Décision partagée

Le patient acteur de sa maladie

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Publié le 08/12/2016
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Comment aider son patient à être acteur de sa maladie et à s’impliquer au maximum dans les décisions thérapeutiques qui le concernent ? Cette question sera au cœur d’une intervention que doit faire, lors des RCFr, le docteur Jean Godard, membre du groupe cancer du Collège de la médecine général. Lors de cette intervention, il présentera les grandes lignes d’une enquête sur la décision partagée menée auprès de confrères en lien avec le Généraliste.

Un patient/expert

Le Dr Godard le reconnaît : la loi du 4 mars 2002 sur les droits des maladies, votée à l’initiative de Bernard Kouchner, a constitué un tournant. « Elle a donné une plus grande autonomie au patient », explique-t-il, en insistant sur la nécessité de mettre ce dernier au cœur des décisions. « Il faut qu’il puisse devenir une sorte de patient-expert dont l’avis est primordial ». En médecine générale, la décision partagée n’est tout de même pas une nouveauté. La relation généraliste/patient est fondée sur la négociation d’attitudes entre un modèle médico-universitaire, à base d’Evidence Base Medecine, le possible, et l’acceptable à un moment donné pour chaque patient. La médecine générale est et doit rester probablement du sur-mesure, qui se tisse par l’usage de la parole dans le temps, lors des séances (consultations) partagées entre le praticien et le patient.

Cette implication du patient doit se faire aussi bien dans le domaine de la prévention, du dépistage ou de la mise en œuvre des traitements. « En matière de dépistage du cancer du sein, le médecin généraliste décrit ses modalités, ses avantages, ses inconvénients, ses conséquences. Il conseille ses patientes. Il les informe sur le risque possible de surdiagnostic. C’est à elles que revient au final le choix d’avoir ou non recours au dépistage », explique le Dr Godard.

De la même manière, le patient doit être pleinement informé sur les modalités de participation à un essai thérapeutique. « Cette information n’est pas toujours optimale. Il arrive que certains oncologues présentent l’essai de manière rapide. Le patient n’a pas forcément tout compris, tout de suite. Certains patients intimidés, n’osent pas toujours demander des précisions ou des explications au spécialiste. Parfois, ce travail d’explication est fait ensuite par une infirmière. Nous voyons encore beaucoup de patients revenir avec des documents d’inclusion dans un essai en nous disant qu’ils n’ont pas compris de quoi il s’agissait réellement. J’estime en fait que nous devons faire ce travail de relecture conjointe. Je pense même qu’il est de ma responsabilité, quand un cancer est une possibilité, de prévenir le patient qu’il peut lui être proposé d’entrer dans un essai thérapeutique. J’ai constaté ainsi que la prévention contre l’essai était de ce fait amoindrie », indique le Dr Godard.

Le médecin traitant plus impliqué

Aujourd’hui, la prise en charge d’un cancer associe toujours plusieurs médecins spécialistes. Les décisions sont prises à l’issue de réunions de concertation pluridisciplinaires (RCP). « Il serait pertinent que le médecin traitant puisse être davantage impliqué, d’une manière ou d’une autre, dans ces RCP. Car c’est lui qui connaît le mieux le patient, son histoire médicale et chirurgicale et le contexte psychosocial qui est le sien », indique le Dr Godard, en ajoutant que le cancer reste majoritairement une pathologie du sujet âgé. « Beaucoup de patients sont porteurs de plusieurs pathologies chroniques. Il serait utile que les généralistes puissent être intégrés aux unités de coordination et antennes d’oncogériatrie (UCOG) pour se prononcer par exemple sur la capacité d’un patient à supporter tel ou tel traitement, ou parfois sur sa volonté de refuser une chimiothérapie ».

C’est là un point sensible selon le Dr Godard. « Il arrive que certains patients, au bout des ressources thérapeutiques, ne souhaitent plus poursuivre les traitements. Ils n’osent pas toujours le dire aux médecins. Je me souviens d’un cas récent d’un patient pour lequel il n’y avait vraiment plus rien à faire. Il ne voulait pas d’une nième ligne de chimiothérapie et c’est moi qui ai annoncé sa décision à l’équipe de spécialistes qui l'a très mal pris », raconte le Dr Godard. Le patient est mort la semaine suivante.

D’après un entretien avec le Dr Jean Godard, membre du groupe cancer du Collège de la médecine générale

Antoine Dalat

Source : Le Quotidien du médecin: 9541