Une troisième guérison après greffe

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Publié le 08/04/2022
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Pour la première fois, une séroréversion a été obtenue après greffe de sang de cordon. De quoi mieux comprendre le rôle des réservoirs.
Les radio et chimiothérapies ont contribué à éradiquer le réservoir

Les radio et chimiothérapies ont contribué à éradiquer le réservoir
Crédit photo : phanie

Près de 10 ans après le premier cas, pris en charge en Allemagne, une troisième personne VIH+ ayant développé une leucémie aiguë myéloïde (LAM) a bénéficié d’une greffe, permettant de traiter à la fois son cancer et son infection à VIH (1). Pour la première fois, il s’agit d’une greffe de sang de cordon et non plus d’une greffe de moelle. Et, pour la première fois aussi, il s’agit d’une femme et non d’un homme, qui plus est d’une métisse, ce qui n’était non plus jamais arrivé.

Ce qui ne change pas avec les deux précédents patients : les cellules hématopoïétiques greffées étaient non seulement compatibles, mais elles présentaient également une mutation protégeant de l’infection VIH (2,3). Celle-ci (CCR5 Δ32/Δ32) a été découverte en étudiant des sujets spontanément résistants au virus. Portée par une des deux protéines indispensables à l’entrée du VIH dans la cellule (la CCR5), cette délétion de 32 acides aminés bloque l’utilisation par le virus de ce récepteur, empêche son entrée dans la cellule, donc l’infection de celle-ci.

Un recul de 14 mois

Comme planifié, le traitement antirétroviral (ARV) a été arrêté 34 mois après la greffe. Et, lors de la Croi 2022, 14 mois après l’arrêt complet des ARV, on ne retrouve plus de virus VIH chez cette femme qui est devenue séronégative. La greffe a bien promu à la fois une guérison de la LAM mais aussi une séroréversion VIH.

« Le recul post-arrêt des ARV reste assez modéré. Mais, à plus d’un an, on n’a tout de même aucune trace de réplication virale. On n’observe ni virémie plasmatique (ARN VIH) ni ADN viral intracellulaire, que ce soit au sein des LT CD4+ ou des cellules de la moelle osseuse. On ne met pas non plus en évidence de réponse LT spécifique du VIH anti-Gag », commente le Pr Jean-Michel Molina (Service des maladies infectieuses, CHU Saint-Louis et Lariboisière, Université de Paris). Rappelons ici qu’aucun des deux autres patients ainsi traités, n’a jamais rechuté du VIH.

« Cette réussite est due non seulement à la mutation, empêchant toute infection virale, mais aussi probablement en partie aux radiochimiothérapies prégreffes, qui, en éliminant les cellules hématopoïétiques natives, ont au passage éradiqué le réservoir lymphocytaire de virus, notamment les LT de type CD4 et CD8, souligne l’infectiologue. Il est très intéressant qu’on soit cette fois sur une greffe de sang de cordon. Cette technique nécessite en effet une immunosuppression moins forte qu’une greffe plus classique de cellules souches hématopoïétiques, elle est régulièrement utilisée en France. » Pour autant, il s’agit d’une procédure exceptionnelle, uniquement envisageable chez des patients VIH+ porteurs d’une leucémie qui engage leur pronostic vital.

(1) HIV-1 remission with CCR5 ∆32/∆32 happlo-cord transplant in USA woman. Croi 2022, P1107

(2) G Hütter et al. Long-term control of HIV by CCR5 ∆32/∆32 stem-cell transplantation. Nejm 2009;360:692-8

(3) RK Gupta et al. HIV-1 remission following CCR5 Δ32/Δ32 haematopoietic stem-cell transplantation. Nature 2019;568:244-8

Pascale Solère
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Source : Le Quotidien du médecin