Xenair : un vaste projet pour étudier l'effet des polluants de l'air

Par
Publié le 14/10/2022
Article réservé aux abonnés
À partir d'une cohorte de plus de 10 000 femmes, le projet Xenair (centre Léon-Bérard/Inserm) cherche à mieux caractériser le lien entre pollution de l'air et cancer du sein. Sur huit polluants étudiés, cinq sont associés à un risque accru.
Le projet QHR vise à caractériser les effets des expositions aux composés des particules fines

Le projet QHR vise à caractériser les effets des expositions aux composés des particules fines
Crédit photo : GARO/PHANIE

Existe-t-il un lien entre exposition chronique à faible dose aux polluants de l'air et risque de cancer du sein ? Le projet Xenair, mené par le département Prévention Cancer Environnement du centre Léon-Bérard de Lyon (unité Inserm)*, apporte de nouveaux éléments en ce sens.

« Notre étude est unique par le nombre de polluants étudiés, le nombre de sujets et le nombre d'années couvert », souligne la Pr Béatrice Fervers, cheffe du département.

La pollution de l'air dans son ensemble et plusieurs de ses constituants - particules fines, benzo[a]pyrène (BaP), cadmium, dioxines et polychlorobiphényles (PCB) - ont été classés cancérogènes certains par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) en 2013, notamment pour le cancer bronchopulmonaire. Mais les données étaient alors insuffisantes pour conclure quant au cancer du sein.

Bien caractériser les expositions

Plusieurs enjeux méthodologiques se posent pour éclairer les liens entre cancer et polluants, « qui ont notamment trait aux caractérisations des expositions, à la prise en compte des autres facteurs de risque connus et de leurs possibles interactions avec l'environnement », souligne la Pr Fervers.

Huit polluants ont été analysés dans Xenairs : le BaP, le cadmium, les dioxines et les PCB, ainsi que les particules PM10 et PM2,5, le dioxyde d’azote (NO2) et l’ozone (O3). Le projet s'appuie sur la cohorte nationale E3N qui suit depuis 30 ans 100 000 femmes affiliées à la MGEN, âgées de 40 à 65 ans à l'inclusion en 1990.

Deux groupes de femmes en ont été extraits : 5 222  emmes diagnostiquées d'un cancer du sein entre 1990 et 2011 et 5 222 femmes indemnes, appariées sur l'âge ainsi que sur le département de résidence et le statut ménopausique à l'inclusion.

À l'aide des adresses postales et des cartes d'exposition à la pollution de l'air par an, les chercheurs ont calculé « une exposition annuelle moyenne pour chaque femme de 1990 jusqu'à la date de diagnostic du cancer », explique Delphine Praud, chercheuse en épidémiologie environnementale (centre Léon-Bérard/Inserm). Une baisse d'expositions aux polluants, à l’exception de l’O3, a pu être confirmée.

La transition ménopausique, une période sensible

« Nos résultats ont montré qu'il y a une association significative pour cinq des polluants étudiés », rapporte la chercheuse. Une augmentation de 10 µg/m3 d’exposition au NO2 est associée à une hausse statistiquement significative d’environ 9 % du risque de cancer du sein. Pour les particules fines, l'association est à la limite de la significativité statistique, avec une augmentation de 10 µg/m3 d’exposition aux PM10 et aux PM2,5 associée respectivement à une augmentation d’environ 8 % et d'environ 13 % du risque. Quant aux BaP, une augmentation de 1,42 ng/m3 d’exposition est liée à une hausse statistiquement significative d’environ 15 % du risque. Et enfin, une augmentation de 55 pg/m3 d’exposition aux PCB153 est associée à une augmentation statistiquement significative d’environ 19 % du risque. Pour le cadmium et les dioxines, l'association avec le risque de cancer du sein n'a pas été retrouvée. L'analyse est en cours pour l'ozone.

Les chercheurs ont aussi constaté qu'au cours de la période de transition ménopausique, les femmes sont plus sensibles aux expositions environnementales et notamment aux perturbateurs endocriniens comme les BaP et les PCB153.

La proportion de cancers qui auraient pu être évités si les recommandations concernant le NO2 étaient respectées a ensuite été calculée. « Nous sommes en train de consolider les données pour les autres polluants étudiés », précise Delphine Praud.

Avec une exposition annuelle au NO2 inférieure au seuil fixé par les directives européennes et les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) de 2005 - soit 40 µg/m3 -, 1 % des cas auraient pu être évités, et avec une exposition inférieure à 10 µg/m3 - seuil fixé par l'OMS en 2021 -, ce sont 9 % des cas qui auraient pu être évités.

En extrapolant ces résultats à la population française, il a été calculé pour l'année 2018 que plus de 280 millions d'euros de dépenses pour la société auraient pu être évités si le seuil de 40 µg/m3 pour le NO2 avait été respecté et plus de deux milliards avec le seuil de 10 µg/m3.

Plusieurs projets veulent aller plus loin, dans l'objectif de caractériser les effets des expositions au cours de la vie entière (projet QHR), de prendre en compte les expositions aux domiciles, aux lieux de travail et durant les trajets domicile-travail (APoPCo), ainsi que l'exposition combinée à de multiples polluants de l’air (Emaps) et l'exposition aux composés des particules fines (Cleopart).

*en collaboration avec l'équipe Exposome et hérédité de Gustave Roussy/Inserm, l'Isped de l'université de Bordeaux, l'Ineris, l'École centrale de Lyon et l'université de Leicester. Projet financé par la Fondation ARC.

Charlène Catalifaud

Source : Le Quotidien du médecin