La fracture de l’extrémité supérieure du fémur du sujet âgé représente probablement le type même de pathologie qui est au cœur d’un partenariat orthopédie-gériatrie. La cause principale de ces fractures est la fragilité osseuse, présente dans plus de 85 % des cas. La mortalité, bien qu’améliorée ces dernières décennies, reste élevée chez ces patients, comprise entre 20 et 30 % à deux ans de recul. On sait aussi que le risque de mortalité chez une personne avec une fracture pertrochantérienne sur os ostéoporotique est supérieur de 25 % à celui d’une personne de même âge et sans fracture.
Pour l’instant, le partenariat orthopédie-gériatrie reste encore peu développé à travers le monde pour la prise en charge des fractures du sujet âgé avec comorbidités. Plusieurs types d’organisations existent et dépendent des ressources qui peuvent être mises en place. Les évaluations publiées attestent de leur intérêt en termes de santé publique, avec un rapport coût-bénéfice positif.
Une épidémiologie qui interpelle
En 1990, il y avait dans le monde près de trois millions de fractures ostéoporotiques. Ce chiffre devrait atteindre 6,5 millions en 2050. Or, moins de 20 % de ces fractures sont prises en charge sur le plan du traitement de l’ostéoporose. On sait par ailleurs qu’il existe une corrélation forte entre ostéoporose et comorbidités multiples : ostéoarticulaires (85 % des cas) ; cardiovasculaires (55 % des cas) ; anémie préopératoire (45 % des cas) ; diabète (25 % des cas) ; neurologiques (15 % des cas) ; pulmonaires (15 % des cas) ; ainsi que l’isolement et la dénutrition. La prise en charge de l’ostéoporose pour les fractures du col du fémur a permis de multiplier par deux la connaissance précise de l’état cognitif des patients.
Avec quelques examens simples, on peut obtenir en routine une bonne estimation prédictive de la mortalité, en particulier via le dosage de la créatininémie. Une courte phase préopératoire diminue le taux des complications. Avec une intervention non différée, précoce, on réduit de façon notoire la mortalité périopératoire et on observe une baisse de la durée moyenne de séjour, ainsi que du taux de réadmission pour raison médicale.
Un épisode souvent délétère
La réhabilitation après fracture est toujours longue. Le phénomène s’étale souvent sur 24 mois et plus, d’où la nécessité d’un traitement par rééducation pour réduire la fonte de la masse musculaire (sarcopénie), sans négliger les fonctions cognitives et affectives, de façon qu’il n’y ait pas de décrochage intellectuel et social.
Il a été calculé que les personnes fracturées au niveau de la hanche perdaient environ 500 g de masse musculaire et gagnaient 300 g de masse graisseuse au cours des six mois qui suivent la survenue de la fracture. Par rapport à un sujet non fracturé, la densité minérale osseuse régresse de 40 % au cours des 180 premiers jours. Sur le plan clinique, la perte de poids, la faiblesse générale, la sensation d’épuisement, les activités physiques lentes sont bien synonymes de décès.
Une mobilisation de la prévention
Le but d’un « service de liaison fracture » (FLS pour fracture liaison service) est de prévenir la survenue d’une deuxième fracture par fragilité osseuse, avec pour objectif de réduire de 20 % ce risque. Une coordination multidisciplinaire doit permettre d’harmoniser le travail des différentes équipes.
Une des meilleures préventions des chutes consiste à faire des exercices de mobilisation, pour lutter contre l’enraidissement et acquérir l’équilibre lors de la marche. De 20 à 30 minutes de rééducation par jour sont suffisantes ; associée à la thérapie antiostéoporotique (Vit D25 OH à 2000 UI/j), cela réduirait de 30 % la possibilité de refracture.
Ainsi, une prise en charge multidisciplinaire spécifique, structurée et précoce, permet d’optimiser le traitement des fractures du sujet âgé, de favoriser une réhabilitation précoce et d’instaurer le traitement ou la prévention de la fragilité osseuse, des chutes et des possibles refractures.
Pr Jean Marc Féron et Pr Philippe Merloz, Commission Orthogériatrique de la Sofcot
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