Un risque immédiat et à long terme

Gérer les complications métaboliques des antipsychotiques et des thérapies ciblées

Publié le 24/04/2014
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Crédit photo : PHANIE

Paris, 11-14 mars 2014. Diabètes iatrogènes. Deux grandes sessions étaient consacrées aux complications métaboliques des antipsychotiques et des thérapies ciblées lors du congrès de la Société francophone du diabète (SFD). Preuve s’il en est que la diabétologie est attentive aux problèmes de pratique clinique rencontrés par les psychiatres et les oncologues, assez démunis face à ces complications.

Les antipsychotiques sont associés à un gain de poids important et une dyslipidémie qui favorisent le développement d’une insulinorésistance avec à la clé un risque d’évolution vers un diabète de type 2, non négligeable. Or les sujets psychotiques ont déjà un haut risque cardiovasculaire. Syndrome métabolique et diabète sont en effet très prévalents. Pour des raisons autant génétiques, biologiques que comportementales – sédentarité, surpoids, tabagisme… – auxquelles vient s’ajouter, cerise sur le gâteau, l’impact métabolique des antipsychotiques. Résultat, schizophrènes, bipolaires et déprimés sévères ont une espérance de vie réduite de 10-20 ans. Mais les suicides et décès par traumatismes ne représentent « plus » qu’un quart des décès, désormais largement dominés par les décès cardiovasculaires, première cause de mortalité aujourd’hui.

Parent pauvre

Or la prise en charge des troubles métaboliques est le parent pauvre de la psychiatrie. En 2006, dans l’étude CATIE (1), sur près de 1 500 schizophrènes, 30 % des diabétiques (13 % des patients) étaient non traités et près de 90 % des dyslipidémies incorrectement traitées.

C’est pourquoi, en 2009, un consensus européen réunissant diabétologues (EASD), cardiologues (ESC) et psychiatres (EAP) destiné à promouvoir la prise en charge du diabète 2 et des facteurs de risque cardiovasculaires des malades mentaux sévères a été publié (2). Avec à la clé des recommandations pragmatiques privilégiant le dépistage précoce et l’intervention hygiénodiététique qui malgré, la difficulté de sa mise en oeuvre, reste possible même chez ces patients.

Exergue ici si possible

Le risque diabétogène important pose la question d’une prévention systématique par metformine

Peut-on faire plus, en particulier lors de l’instauration d’un traitement antipsychotique ? « La surveillance intensive durant les trois premiers mois est primordiale. Et si on assiste à une prise de poids, une réduction de la tolérance au glucose et l’émergence d’un diabète même "léger", un traitement par metformine doit être initié sans attendre », selon André Scheen (président de la SFD, Liège, Belgique).

En revanche, la prévention systématique par metformine reste plus discutée. « Une méta-analyse de 12 essais cliniques menés avec l’olanzapine (Zyprexa) met en évidence une perte de poids de 5 kg et une réduction d’IMC 1,8 kg/m2 à l’issue de 12 semaines de traitement par metformine versus placebo (3). Et quatre études suggèrent que plus tôt le traitement par metformine est initié, plus il est efficace : il est plus difficile de perdre du poids une fois l’obésité installée, explique Bruno Fève (CHU Saint Antoine, Paris). Ces données plaident pour une AMM de la metformine. Mais ces essais étant de petite taille, il faudrait au préalable les confirmer dans une vaste étude multicentrique », précise-t-il. « Quant à la dyslipidémie, il ne serait pas choquant de mettre les patients sous statine à l’initiation des antipsychotiques, vu leur haut risque cardiovasculaire sous traitement », ajoute Bruno Fève.

« Par ailleurs, il faut savoir évoquer la substitution par un autre antipsychotique lors de l’apparition de troubles métaboliques. D’autant que les antipsychotiques n’ont pas tous le même profil de tolérance. Olanzapine (Zyprexa) et clozapine (Leponex) induisent plus de dyslipidémies et de diabètes. La prise de poids est plus modérée sous rispéridone (Risperdal) et carrément faible sous ziprazidone (Geodon). Et l’aripiprazole (Abilify) améliore nettement le profil métabolique de nombreux patients », rappelle Bruno Fève.

D’après les communications du Pr André Scheen et du Dr Bruno Feve : Complications métaboliques des antipsychotiques

(1) Schizophrenia Research 2006;86:15-22

(2) en attente

(3) British J Clin Pharmacol 2011;71:377-82


Source : Le Quotidien du Médecin: 9321