Tissus adipeux, foie, intestin et microbiote

La recherche métabolique au-delà du pancréas

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Publié le 19/03/2018
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Crédit photo : PHANIE

Tissu de réserve, le tissu adipeux blanc est pourtant capable de se transformer en tissu adipeux brun en donnant des cellules dites beiges. « Pour cela, les cellules du tissu adipeux blanc s'enrichissent en mitochondries avec pour conséquence une augmentation de l'oxydation des lipides et de la protéine découplante UCP1, ce qui a des répercussions favorables sur le poids et la sensibilité à l'insuline, explique le Pr Bruno Vergès, président du conseil scientifique de la Société francophone du diabète (SFD). De nombreuses équipes s'intéressent donc aux mitochondries et aux signaux qui permettraient de transformer les cellules adipeuses blanches en cellules adipeuses beiges, plus favorables ».

Plusieurs travaux portent également sur les adipokines, sont des protéines du tissu adipeux susceptibles de modifier soit dans un sens, soit dans l'autre, la sensibilité à l'insuline. Cette voie permettrait d'aborder le diabète en ciblant le tissu adipeux blanc, dont l'inflammation chronique favorise la résistance à l'insuline.

Évolution de la stéatose

La physiopathologie de la stéatose est encore très mal connue. Si l'évolution naturelle d'une stéatose alcoolique standard se fait vers la fibrose hépatique, la cirrhose, puis le cancer du foie, il peut en être autrement dans le diabète de type 2, où le cancer du foie peut succéder directement à la stéatose (le risque de cancer hépatique est multiplié par deux chez les diabétiques). « Il y a donc actuellement une volonté de mieux comprendre les mécanismes qui conduisent d'une stéatose vers une fibrose et/ou un cancer du foie et à faire la distinction entre les stéatoses qui vont connaître cette évolution rapidement et les autres, peu ou pas évolutives. Trouver des biomarqueurs pour différencier ces stéatoses permettrait de mieux surveiller les malades les plus à risque. Sachant que 70 à 80 % des diabétiques développent une stéatose, il n'est effectivement pas possible d'explorer de façon approfondie tous nos patients : le risque d'évolution vers une fibrose et/ou un cancer du foie n'est pas le même pour tous et disposer de facteurs prédictifs serait une réelle avancée ».

Acides biliaires, néoglycogénèse

L'intestin joue aussi un rôle majeur dans le diabète. Après chirurgie bariatrique [lire p XXX], l'amélioration, voire la disparition très rapide du diabète ne pas peut être expliquée que par la perte de poids (différée), mais par une modification importante du microbiote, de la néoglycogénèse intestinale, de la sécrétion des incrétines et de la disponibilité des acides biliaires. Cela accrédite donc l'idée que l'intestin joue un rôle majeur. « La chirurgie bariatrique a surtout permis de mieux comprendre la physiopathologie du diabète de type 2 et de favoriser le développement des voies de recherche sur de nouveaux traitements médicaux ciblant l'intestin », considère le Pr Vergès.

Outre les incrétines – hormones gastro-intestinales qui stimulent la sécrétion d'insuline lorsque la glycémie est trop élevée – dont on a beaucoup parlé ces dernières années, la recherche s'intéresse au microbiote, en raison de son effet sur la sensibilité à l'insuline. « Les acides biliaires font également l'objet d'une recherche active, ajoute le Pr Vergès. On leur connaît désormais un récepteur membranaire (TGR5) et un récepteur nucléaire FXR aux sels biliaires : lorsqu'ils sont activés, ils améliorent la sensibilité à l'insuline. Des molécules visant ces cibles sont d'ailleurs en cours de développement ».

Quant à la néoglycogénèse intestinale, elle apparaît comme un facteur bénéfique puisque, lorsqu'elle se produit, une diminution de la néoglycogénèse hépatique survient par voie réflexe, ainsi qu'une amélioration de l'insulinosécrétion. Il y a des voies de recherche pour la moduler, soit indirectement en agissant sur le microbiote, soit par des agents spécifiques (par exemple, la metformine).

Entretien avec le Pr Bruno Vergès, Chef du service d'endocrinologie, diabétologie, maladies métaboliques et nutrition du CHU de Dijon

Dr Nathalie Szapiro

Source : Bilan Spécialiste