Un nombre croissant de tests fondés sur l’analyse du microbiote intestinal est proposé au grand public. Non remboursés, ils sont disponibles sans prescription médicale pour des tarifs allant de 90 à quelques centaines d’euros. « Sauf que l’intérêt de ces tests est nul, avertit le Pr Philippe Seksik, gastroentérologue à l’hôpital Saint-Antoine (Paris) et directeur de l’équipe de recherche INSERM Microbiote intestin et inflammation. Les critères qualité sont divers, mais surtout, ces tests détournent de manière pernicieuse l’interprétation de la connaissance scientifique. Du fait des grandes variabilités interindividuelle et intra-individuelles, l’analyse du microbiote, à un temps T et non contextualisée, est inexploitable, que ce soit pour porter un diagnostic ou guider les choix thérapeutiques. »
À ce jour, aucun consensus international ne définit les critères d’un microbiote normal. En revanche, les scientifiques cernent plus ou moins finement la composition d’un microbiote pathologique du point de vue de la biodiversité alpha (nombre total de bactéries appartenant à un groupe) et bêta (composition). « Affirmer qu’un microbiote est dysbiotique nécessite des études conduites sur de larges cohortes regroupant des individus souffrant d’une même pathologie, et non à l’échelle individuelle où cela n’a aucun sens, poursuit le Pr Philippe Seksik. Pour éventuellement nous aider un jour à l’échelon de l’individu, on devra probablement s’orienter vers le repérage de fonctions portées par le microbiote (métagénomique, métabolomique) et non pas simplement sa composition ». L’utilisation du microbiote comme biomarqueur diagnostique, pronostique ou thérapeutique fait l’objet d’une recherche dynamique, notamment dans les maladies inflammatoires chronique intestinales (MICI). « À l’avenir, les tests fondés sur le microbiote seront bien plus spécifiques, prédit le Pr Harry Sokol, gastroentérologue à l’hôpital Saint-Antoine. À titre d’exemple, nous avons identifié, dans une étude préliminaire, des biomarqueurs du microbiote prédisant la récidive postopératoire de la maladie de Crohn ».
Dernier écueil à l’utilisation de ces tests, l’interprétation des résultats peut être péjorative au regard de pathologies préexistantes voire entraîner des conduites alimentaires restrictives délétères dépourvues de tout fondement scientifique. « Les patients en errance thérapeutique, en détresse psychologique peuvent être les proies de cette pseudoscience », déplore le Pr Seksik.
Pas d’intérêt aux dosages d’IgG anti-aliments
D’autres tests en accès libre, sans autorisation de l’ANSM et soumis à aucun contrôle national de qualité, sont fondés sur le dosage d’immunoglobulines (IgG) anti-aliments. « La présence d’anticorps anti-aliments étant un phénomène normal, il n’y a aucune adéquation entre la présence dans le sérum d’IgG déclenchées par des aliments et l’allergie à ceux-ci, dénonce le Pr Seksik. Ils témoignent même parfois d’une tolérance à certains aliments ! Impossible de se contenter d’un résultat global vis-à-vis d’un aliment sans connaître le composant moléculaire reconnu. De plus, des réactions croisées avec des allergènes respiratoires peuvent être responsables de résultats d’IgG anti-aliments faussement positifs ». Ces tests sont un non-sens qui peut coûter cher : jusqu’à 500 euros pour un large panel d’aliments. « Quotidiennement, les hépato-gastroentérologues reçoivent des patients consultant pour des symptômes digestifs chroniques munis de ces analyses, souvent recommandées par les médecins, en toute bonne foi », regrette l’expert. Cela débouche fréquemment sur des régimes d’éviction abusifs exposant à un risque de carence ou à un comportement orthorexique. Le risque de retard au diagnostic est également à prendre très au sérieux, en particulier pour la maladie cœliaque, les MICI…
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