Penser à la dilatation des bronches

Le patient vit avec et s’adapte à son handicap

Publié le 28/01/2016
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Les bronchectasies peuvent être secondaires à des infections de la petite enfance ou liées à des maladies génétiques (la mucoviscidose, la dyskinésie ciliaire), à des maladies générales comme, par exemple, la polyarthrite rhumatoïde ou encore aux bronchopneumopathies obstructives chroniques, notamment post-tabagiques ; on estime que la moitié des patients atteints de BPCO sont porteurs de bronchectasies. Il n’y a pas de données précises de prévalence en France mais en Allemagne elle touche environ 60 individus pour 100 000 habitants et 50 aux États-Unis.

Le retard diagnostique est fréquent. Le médecin n’évoque pas systématiquement le diagnostic. Et pourtant, certaines circonstances sont évocatrices. Il faut y penser devant un patient présentant des épisodes infectieux récidivants sans cause évidente d’infection, devant une toux chronique avec bronchorrhée, en particulier si le sujet est jeune, n’a jamais fumé et qu’il a présenté des infections dans la petite enfance.

«On pense plutôt à la BPCO, souligne la Dr Marlène Murris-Espin, et on oublie que la dilatation des bronches est une pathologie à part entière qui n’est pas liée au tabac ou à un emphysème ».

L’interrogatoire fournit des pistes diagnostiques : infections de la petite enfance, rhinopharyngites et/ou otites récidivantes, antécédents de rougeole et de coqueluche. Deux maladies génétiques sont à évoquer : la mucoviscidose et la dyskinésie ciliaire.

Seul le scanner thoracique permet d’affirmer le diagnostic

Une fois le diagnostic établi, il existe des principes de prise en charge globaux. Puis il faut rechercher la cause. Les infections récidivantes imposent une sérologie VIH, la recherche d’un déficit immunitaire. Le bilan biologique immunitaire peut orienter vers une polyarthrite rhumatoïde ou une connectivite.

La dilatation des bronches peut être unie ou bilatérale. Il existe des dilatations localisées - secondaires à une tuberculose (cas peu fréquent en France) ou à un épisode pulmonaires gravissime dans la petite enfance. L’implication d’un corps étranger reste exceptionnelle.

Les principes de prise en charge de base consistent en une hydratation suffisante, un apprentissage du drainage de l’hypersécrétion bronchique et une analyse des sécrétions pour vérifier la présence de pyogènes de mauvais pronostic (P. Aeruginosa). La prévention par les vaccinations antigrippales et antipneumococcique s’impose. Les exacerbations relèvent d’une antibiothérapie après analyse microbiologique.

Il n’y a pas de véritable prise en charge des bronchectasies sans une hygiène de vie suffisante avec réhabilitation respiratoire et activité physique qui permettent de drainer au mieux l’hypersécrétion bronchique - et de limiter le risque infectieux tout en améliorant la qualité de vie (en réduisant les épisodes de bronchorrhée durant la journée). Il faut également s’assurer de l’absence de foyer chronique au niveau nasal. Ces mesures relèvent du bon sens.

Si le patient présente un asthme associé, il peut bénéficier d’un bronchodilatateur ou de corticostéroïdes inhalés. Quand la maladie évolue, des cures d’antibiotiques par voie intraveineuse sont parfois nécessaires en traitement d’entretien, des nébulisations d’antibiotiques ciblant P. Aeruginosa peuvent être discutées (dans ce cas, aucun antibiotique n’a l’autorisation de mise sur le marché mais certaines études montrent des résultats intéressants). « Il faut, insiste M. Murris-Espin, éviter les complications et limiter l’évolution de la pathologie vers le cercle vicieux : encombrement-inflammation-infection ».

Les complications consistent en la survenue d’hémoptysies, une évolution vers l’insuffisance respiratoire et une qualité de vie terriblement dégradée.

Le traitement chirurgical est indiqué dans les bronchectasies localisées, exceptionnellement bilatérales avec un même territoire responsable d’hémoptysies récidivantes ou compliqué d’aspergillose, en échec des traitements médicaux.

Avant d’intervenir, il faut formellement avoir éliminé une pathologie génétique sous-jacente. En cas d’insuffisance respiratoire sévère, oxygénodépendante, une transplantation bipulmonaire peut être indiquée.

La dilatation des bronches est un domaine qui bouge. Des recommandations européennes devraient voir le jour l’an prochain. Des scores de sévérité ont récemment été établis qui permettent d’évaluer précisément la gravité de cette maladie et la morbimortalité chez des patients qui ont l’habitude de vivre avec leur handicap et de s’y adapter sans s’alarmer « à tort » outre mesure et sans alarmer le médecin !

Entretien avec la Dr Marlène Murris-Espin, service de pneumologie-allergologie, hôpital Larrey-CHU de Toulouse
Dr Brigitte Martin

Source : Le Quotidien du Médecin: 9466