« L’âgisme est un problème de société qui a des répercussions dans les soins », rapporte la Dr Sophie Moulias, présidente de l’Association francophone droit de l’homme et âge, et l’une des cosignataires du manifeste de la SFGG pour les droits des personnes âgées. La société savante, qui avait déjà pris position à l’occasion du 70e anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l’homme en décembre 2018, alerte à nouveau, à l’occasion du 20e anniversaire de l’inscription des Droits des personnes âgées dans la Charte européenne, sur les discriminations liées à l’âge.
Les nouveaux visages de l’âgisme
Si les âgismes traditionnels régressent, de nouvelles formes plus collectives se multiplient. Les lois d’âge, basées sur l’âge chronologique et non sur les compétences et les capacités, transforment toute avancée en âge en un obstacle à la vie sociale. L’exclusion sociale des plus âgés est renforcée par des difficultés quotidiennes, telles que celle de se déplacer en raison de voiries mal entretenues ou d’éclairages insuffisants, mais aussi par la multiplication de services accessibles uniquement par internet. Le discours médiatique tend à présenter les personnes âgées comme devant être protégées, quitte à les exclure de la vie sociale. L’âgisme se répand aussi dans les domaines de la culture, de l’économie ou de la recherche. Concernant les soins, des progrès ont été réalisés, mais le développement trop lent des réseaux de soins et des maisons de santé ne permet pas un accès facile à un avis gériatrique. Sans compter le manque de personnel qualifié dans les institutions, source de « pratiques inappropriées qui sont les plus banales des maltraitances », souligne le manifeste.
Des pistes de réflexion
Sur la base de cet état des lieux, qui souligne la part grandissante de ces nouvelles formes d’âgisme plus collectives et sociétales et donc aux répercussions plus importantes car réglementaires, le manifeste donne des pistes de réflexion. Des pistes issues des 175 propositions formulées dans le rapport de Dominique Libault (2019) « pour une politique nouvelle et forte du grand âge », mais aussi des quatre grands axes mis en avant dans le rapport de 2019 de la députée Audrey Dufeu-Schubert « Réussir la transition démographique et lutter contre l’âgisme » : renforcement des droits, pleine reconnaissance sociale et sociétale des aînés, réconciliation des générations et approche intégrée des transitions démographiques, numériques et écologiques.
Les leçons de l’épidémie
L’épidémie de Covid-19 a mis au grand jour les difficultés d’accès aux soins, malgré le principe d’égalité. Il apparaît donc « indispensable de développer des soins de qualités, adaptés aux plus âgés, en ville, à l’hôpital et en institution » et de proposer le plus juste soin, en évitant « les limitations excessives comme l’obstination déraisonnable », estime les auteurs du manifeste. Ils soulignent la nécessité du respect de l’autonomie et de la dignité des sujets âgés, qui passe par diverses mesures : favoriser la désignation des personnes de confiance, s’assurer de l’accès à des soins de confort si le patient ne relève pas d’une prise en charge active, actualiser si besoin les directives anticipées des patients vulnérables et enfin appliquer la loi Claeys-Leonetti dans les décisions complexes.
Les mesures parfois inappropriées instaurées pendant l’épidémie, notamment les limitations dans les libertés d’aller et venir des personnes âgées, doivent conduire à une réflexion éthique, qui peut être nourrie par le document repère remis par le philosophe Fabrice Gzil à la ministre déléguée à l’autonomie, Brigitte Bourguignon.
« Il faut donner du sens au grand âge en affirmant la citoyenneté et la dignité de chacun et veiller au droit du libre choix des personnes devenues âgées, mais toujours adultes et citoyennes », rappelle le manifeste dans sa conlusion.
D’après un entretien avec la Dr Sophie Moulias, gériatre à l’hôpital Ambroise-Paré (APHP, Boulogne-Billancourt) et membre du conseil scientifique de la SFGG
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