Distinguer les neutropénies chroniques sévères

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Publié le 18/02/2022
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Les neutropénies chroniques sévères primitives sont relativement rares, tout l’enjeu étant d’éliminer celles d’origine secondaire ou associées à diverses pathologies. Mode d'emploi.
Un taux de polynucléaires neutrophiles inférieur à 1,5 g/l

Un taux de polynucléaires neutrophiles inférieur à 1,5 g/l
Crédit photo : phanie

Se définissant par un taux de polynucléaires neutrophiles inférieur à 1,5 g/l, les neutropénies chroniques sévères sont en pratique rarement explorées au-delà de 1 g/l. Par contre, un bilan avant trois mois est nécessaire en cas de complications infectieuses, d’autres anomalies de l’hémogramme ou de comorbidités. En France, environ un million de personnes présentent une neutropénie chronique, dont seulement 1000 à 2000 peuvent entraîner des complications. 

Une découverte fortuite

« Certaines classifications séparent les neutropénies chroniques auto-immunes primitives et les idiopathiques chroniques de l’adulte, mais il semble préférable de les regrouper sous le terme de neutropénies immunologiques. Elles se présentent de la même façon sur le plan épidémiologique et clinique, aucune donnée objective ne peut les différencier et leur prise en charge thérapeutique est identique », explique la Dr Flore Sicre de Fontbrune, hôpital Saint-Louis (Paris). La majorité de ces neutropénies sont diagnostiquées fortuitement, très rarement à l’occasion d’infections sévères. La neutropénie chronique auto-immune est essentiellement une maladie de la femme jeune. Selon une étude danoise, la prévalence de cette pathologie rare est de 0,06 %. 

Un diagnostic d’élimination

Aucun examen ne permet réellement d’affirmer le diagnostic. La mise en évidence des anticorps anti-granuleux est techniquement difficile et de nombreux négatifs et faux positifs existent : l’absence d’anticorps n’élimine pas la neutropénie auto-immune, et inversement, ils peuvent être retrouvés dans des neutropénies d’autre origine. Il s’agit donc d’un diagnostic d’élimination. Il faut d’abord exclure une neutropénie ethnique, les formes constitutionnelles, puis les secondaires d’origines très diverses.

La neutropénie ethnique est la plus fréquente des formes chroniques, avec une prévalence importante en Afrique ou au Moyen-Orient. Elle est évoquée devant une origine ethnique compatible, l’ancienneté de la symptomatologie et le caractère généralement asymptomatique. Certaines formes peuvent être très sévères. Toutefois, en l'absence de test diagnostique fiable, il ne faut pas trop rapidement écarter une autre cause de neutropénie. Quant aux formes constitutionnelles héréditaires, elles sont plus facilement diagnostiquées sur la clinique, l’anamnèse et quelques tests génétiques.

Une fois les formes ethniques et congénitales écartées, il est essentiel d’éliminer les neutropénies chroniques secondaires : médicamenteuses, associées aux hémopathies lymphoïdes, aux maladies systémiques, aux pathologies virales chroniques ou aux thyroïdites auto-immunes. Si quelques neutropénies peuvent être liées aux anticorps anticytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA), celles associées à des déficits immunitaires sont très rares. Le principal diagnostic différentiel reste celui des leucémies à grands lymphocytes granuleux, rares mais plus fréquentes que les neutropénies immunologiques. Elles doivent être systématiquement recherchées.

En dehors des neutropénies ethniques, le bilan comprend un frottis sanguin, un myélogramme et un caryotype (en cas de formes sévères, d’infections ou d’autres anomalies), une NFS, une électrophorèse des protéines plasmatiques, les sérologies virales (VIH, hépatite C et B), les anticorps antinucléaires, ANCA, antiantigènes nucléaires solubles (anti-SSA et anti-SSB), le facteur rhumatoïde et une biopsie de moelle osseuse si la neutropénie est profonde.

Dr Maia Bovard Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin