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Dossier

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La pandémie ou l'urgence d'agir pour « Une seule santé »

Par Charlène Catalifaud - Publié le 27/10/2020
La pandémie ou l'urgence d'agir pour « Une seule santé »

Le recours à l'aide des vétérinaires s'est fait timidement
Phanie

La crise du Covid-19 témoigne d'un cloisonnement encore trop important entre santés humaine, animale et environnementale et remet sur le devant de la scène politique le concept « One Health ».

« Nous nous engageons à intégrer l'approche "Une seule santé" dans toutes les politiques et tous les processus décisionnels pertinents à tous les niveaux, afin d'aborder la santé et la durabilité environnementale de manière intégrée ». Une soixantaine de dirigeants du monde — dont le président français — s'y sont engagés dans le cadre du sommet sur la biodiversité qui s'est tenu le 28 septembre.

La crise sanitaire a contribué à révéler toute l'importance d'une approche transversale des santés humaine, animale et environnementale. Et surtout, elle montre l'urgence à appliquer les principes du concept « Une seule santé » (« One health ») à travers un engagement politique fort et des actions concrètes à l'échelle internationale.

« One health » à l'agenda politique

Pour le député des Alpes-Maritimes et vétérinaire Loïc Dombreval, qui a co-organisé le colloque du 1er octobre à l'Assemblée nationale « Une seule planète, une seule santé » avec son homologue Yolaine de Courson (Côte d’Or), « les politiques ne sont pas assez informés sur ces questions d'interactions très étroites entre les trois vivants. Et tant qu'il n'y aura pas d'impulsion politique, il n'y aura pas d'avancée ». À cette occasion, le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a annoncé, par le biais d'une vidéo, le projet d'un Haut conseil international « Une seule santé », « qui serait chargé d'agréger et de diffuser des informations scientifiques fiables et indépendantes sur les liens entre santés humaine, animale et évolution des écosystèmes ».

Ce projet ferait l'objet de discussions avec l'Allemagne et les organisations internationales concernées comme l'Organisation mondiale de la santé (OMS), l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE), l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et le programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE) depuis le printemps. Ce Haut conseil aurait vocation à « fournir, dès la première alerte, les données et les recommandations dont les responsables politiques ont besoin pour enrayer les pandémies naissantes, et dans le même temps, à fournir à chacun des points de repère objectifs et factuels pour couper court aux contagions infodémiques qui sèment la confusion dans les opinions publiques et risquent de faire perdre un temps précieux dans la mise en œuvre des mesures sanitaires nécessaires », a détaillé Jean-Yves Le Drian.

Loïc Dombreval et Yolaine de Courson travaillent à la rédaction d'une proposition de résolution qui devrait être soumise à la signature des députés d'ici à début novembre afin de « demander, sans injonction, au gouvernement français la mise en œuvre effective et concrète de ce Haut conseil ou de la structure qu'il pensera être adaptée ».

L'Alliance tripartite

Le concept « One Health » n'en est pourtant pas à ses balbutiements. En réaction à la crise de la grippe aviaire de 2004-2006, l'Alliance tripartite entre l'OMS, l'OIE et la FAO a été officialisée et s'est particulièrement intéressée aux influenzas zoonotiques, à la rage et à l'antibiorésistance.

« L'antiobiorésistance est aujourd'hui l'exemple le plus abouti de notre collaboration tripartite : nous avons élaboré des plans d'action mondiaux coordonnés pour collecter les informations et suivre l'évolution des résistances, et nous avons invité les pays membres à les retranscrire dans leur législation », a expliqué la Dr Monique Eloit, directrice générale de l'OIE, à l'Assemblée nationale.

Si cette Alliance a permis de lancer une dynamique, « il manque une coordination globale et un cadrage politique », a déploré Jean-Luc Angot, inspecteur général de santé publique vétérinaire et président de l’Académie vétérinaire de France lors du même colloque. « Le concept "Une seule santé" doit s'incarner dans des projets concrets aux niveaux national, européen et international ». La création d'un Haut conseil constitué d'experts du monde entier devrait faciliter les collaborations pour agir contre les atteintes à la biodiversité et la déforestation, lutter contre le commerce illégal des animaux sauvages, mieux comprendre le franchissement de la barrière d'espèces, mieux surveiller la faune sauvage, établir une cartographie des zones et des espèces à risque, s'assurer de l'application des normes établies par les organisations internationales…

Décloisonner les disciplines

La gestion de la pandémie met en évidence le cloisonnement marqué entre médecine humaine et médecine vétérinaire : le recours à l'aide des vétérinaires s'est fait timidement alors même que ceux-ci ont une expertise en termes de gestion des épidémies qui auraient pu être davantage exploitées.

En France, certains laboratoires vétérinaires ont pu effectuer des tests diagnostiques RT-PCR du Covid, mais de manière marginale. Pourtant, dès le début de la crise, « l'OIE a publié, en partenariat avec l'OMS et la FAO, des lignes directrices détaillant l'aide que représentent les laboratoires vétérinaires à la réponse de santé publique en termes de diagnostic », souligne Monique Eloit.

Jean-Luc Angot appelle ainsi à « décloisonner les disciplines : médecine humaine, médecine vétérinaire, écologie, mais aussi mathématiques, économie et sciences humaines et sociales ». Au niveau national, il propose de mettre en place plus de passerelles entre les formations, mais aussi davantage de formations dédiées à la thématique, y compris pour les hauts fonctionnaires et les dirigeants. Il appelle aussi à la nomination d'un délégué interministériel pour coordonner cette approche. Dans le cadre du nouveau Plan national santé environnement (PNSE 4), des discussions seraient en cours concernant la mise en place d'un groupe national réunissant toutes les parties prenantes autour du concept « Une seule santé ».

Charlène Catalifaud