Affections spinocérébelleuses

Actualités génétiques et thérapeutiques

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Publié le 20/06/2016
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Les gènes impliqués dans les ataxies cérébelleuses et dans les paraplégies spastiques - regroupées sous le terme d'affections spinocérébelleuses - se chevauchent et d'ailleurs, de plus en plus de chercheurs sont amenés à travailler en commun sur ces deux groupes d'affections.

De nombreux gènes récemment découverts

Dans les transmissions dominantes (d'un parent à un enfant), un certain nombre de gènes impliqués sont connus depuis 1994 : il s'agit de SCA1, SCA2, SCA3, SCA6, SCA7, SCA17, DRPLA, tous responsables d'expansions de polyglutamines, encodés par des trinucléotides CAG répétés. Les protéines normales portent une polyQ polymorphe, tandis que l'expansion au-dessus d'un certain nombre de glutamines (autour de 35-40Q), confère des propriétés toxiques aux protéines mutantes. Plus l'expansion est grande et plus la maladie a tendance à se développer tôt et avec sévérité. Même avec une mutation identique, il existe donc une grande variabilité clinique.

« Étant donné que ces gènes rendent compte d'environ 50 % des formes familiales d'ataxie spinocérébelleuse, ils ont longtemps été les seuls testés, précise la Pr Durr. Même s'il n'existe pas encore de traitement, les identifier permet de proposer une consultation génétique aux autres membres de la famille, en particulier à la fratrie et aux descendants. Depuis l'arrivée du séquençage à haut débit, il a été possible de montrer qu'il existait d'autres gènes impliqués avec d'autres types de mutations - notamment des mutations ponctuelles - et aujourd'hui, ce sont une quarantaine de nouveaux gènes (dont SCA14, SCA28, etc.) qui ont été démasqués : ils sont responsables de 12 % supplémentaires des formes familiales d'ataxies. Toutefois, leur fréquence est faible (parfois quelques familles concernées dans le monde) et leur diagnostic est inexistant en routine en France. Devant une ataxie spinocérébelleuse dominante où la recherche de gènes le plus souvent impliqués reste négative, nous n'avons donc pas d'autre choix que de proposer aux personnes d'entrer dans une étude de recherche afin d'identifier leur gène déficient. Il reste en effet de nombreuses anomalies à découvrir ! ».

Des pistes thérapeutiques

Quelques ataxies très rares bénéficient déjà d'un traitement : il s'agit d'ataxies récessives avec un déficit en vitamine E (qu'il suffit de corriger pour empêcher son aggravation) et d'une autre ataxie récessive d'origine métabolique, liée à un taux élevé de cholestanol (à traiter par un acide chénodesoxycholique).

Pour les autres ataxies, tout l'espoir repose sur la recherche. « Mais réaliser un essai thérapeutique quand le nombre de malades est extrêmement faible (20 à 50 patients), pose un réel problème de méthodologie si l'on veut obtenir des données fiables. Cela demande de très bien connaître l'évolution naturelle de la maladie et d'identifier des marqueurs assez sensibles au changement à court terme (un an) qui vont permettre de conclure qu'un essai est positif ou pas. Il existe donc une recherche active de ce côté. Certains marqueurs semblent prometteurs, notamment dans le domaine de l'imagerie : volume du tronc et du cervelet, pente de l'évolution de l'histoire naturelle, etc. Cela demande aussi de travailler en collaboration internationale d'où l'intérêt de SPATAX », poursuit la Pr Durr.

« Un essai de thérapie génique a été lancé aux États-Unis avec thérapies antisens de gènes (injectés en intracérébral et en intrathécale), capables de bloquer l'expansion de polyglutamines. Il faut bien comprendre que puisque nous avons tous nos gènes en double, l'expansion existe sur un des gènes (le muté), mais pas sur l'autre. Or le risque est d'inhiber l'expansion sur les deux gènes (y compris le normal). C'est pourquoi il ne faut pas non plus être trop efficace avec cette « down régulation » ! Et trouver cet équilibre est vraiment très délicat. Outre la thérapie génique, d'autres molécules (des kinases en particulier) peuvent être candidates au traitement. Il s'agit de molécules capables de diminuer la protéine anormale hyperphosphorylée qui a été produite et qui s'accumule dans le cerveau. Cette piste aussi suscite de gros espoirs », conclut le Pr Durr.

D’après un entretien avec le Pr Alexandra Durr, Centre de référence neurogénétique, Département de génétique et Institut du cerveau et de la moelle épinière, hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris

Encadré = L'avis d'un centre de référence est incontournable

Étant donné la très grande hétérogénéité génétique des ataxies spinocérébelleuses, mieux vaut envoyer son malade dans un Centre de référence maladies rares (filière Brain team, www.brain-team.fr) où il pourra bénéficier d'un diagnostic plus complet. Et même s'il n'existe pas encore de traitement à lui proposer, les connaissances évoluent très vite. Étant donné la grande plasticité du cervelet (comme pour le cerveau), ce qui a été perdu ne l'est peut-être pas de façon définitive…

Dr Nathalie Szapiro

Source : Bilan Spécialiste