À l’occasion des Journées internationales de la Société française de neurologie, les Prs Catherine Lubetzki et Bruno Stankoff, neurologues et co-directeurs d’une équipe de recherche à l’Institut du cerveau et de la moelle épinière à Paris, ont fait le point sur leurs travaux sur la remyélinisation dans la sclérose en plaques (SEP).
Des approches fondées sur la remyélinisation et la neuroprotection se développent désormais depuis quelques années. « La régénération de la gaine de myéline prévient la dégénérescence neuronale et la progression du handicap, explique la Pr Lubetzki. Nous sommes dans une période très active et excitante : de nombreuses études de phase 2 sur la remyélinisation sont désormais en cours, à l’Institut du cerveau et de la moelle épinière à Paris et sur le plan international (1). Après une longue phase préclinique, ces essais évaluant les thérapies pro-remyélinisantes sont très prometteurs ».
Le traitement de la SEP a été transformé grâce aux immunothérapies qui réduisent efficacement l’activité inflammatoire et les rechutes cliniques de la phase rémittente de la maladie. Cependant, la prévention de la progression du handicap, qui est liée à la perte axonale et neuronale, constitue un défi thérapeutique, en particulier pendant la phase progressive de la maladie.
Greffe de cellules myélinisantes
La remyélinisation peut être stimulée par voie exogène ou endogène. La voie exogène correspond à la greffe de cellules myélinisantes : « Un essai thérapeutique précoce vient de se terminer à l’hôpital San Raffaele à Milan, dévoile-t-elle. Il a montré la bonne tolérance de l’injection de cellules souches neurales par voie intrathécale chez des patients atteints de forme secondairement progressive de SEP. Cet essai devrait se poursuivre par une étude de phase 2 ».
Par voie endogène, l’objectif est de favoriser la réparation spontanée de la myéline, qui est le plus souvent insuffisante. « Les mécanismes moléculaires et cellulaires impliqués dans cette remyélinisation, qui sont de mieux en mieux identifiés, ont permis de définir des cibles thérapeutiques », continue la neurologue parisienne. Parmi ces cibles, ont été évalués l’opicinumab (un anticorps monoclonal dirigé contre la molécule Lingo-1, un inhibiteur de la remyélinisation) ou encore la clémastine (un inhibiteur de la voie des récepteurs muscariniques), chacun ayant eu un effet dans les atteintes démyélinisantes du nerf optique chez des patients atteints de SEP.
Suivre la SEP grâce à l’imagerie multimodale
« La remyélinisation peut aussi survenir de manière tout à fait spontanée », rappelle le Pr Stankoff. Une approche d’imagerie dynamique multimodale − notamment avec l’utilisation de traceurs se fixant sélectivement sur la myéline en PET-scan et de séquences spéciales d’IRM − permet d’évaluer le degré de cette remyélinisation spontanée et ses variations régionales chez les patients. Le phénomène est souvent incomplet et restreint à la périphérie des plaques dans la SEP : ces « shadow plaques » présentent un aspect ombré à l’imagerie car elles fixent moins le colorant myélinique. « Un point positif : la remyélinisation des lésions protège le tissu périlésionnel adjacent, ce qui va bien en faveur de l’hypothèse d’une neuroprotection associée à ce phénomène », souligne le Pr Stankoff.
Malheureusement, tous les patients ne sont pas égaux pour régénérer leur myéline. « Nous avons ainsi beaucoup progressé dans la stratification des patients pour distinguer les bons remyélinisateurs des mauvais (2), explique-t-il. Les capacités de remyélinisation varient entre les individus, mais aussi de manière intra-individuelle : cela va dépendre du caractère inflammatoire, de la perfusion et de la topographie de la lésion ». Ainsi, une lésion inflammatoire, hypoperfusée et proche du LCR se remyélinisera moins bien. Autre point fondamental : « Cette capacité de réparation intrinsèque est inversement corrélée au handicap du patient mesuré cliniquement, ce qui renforce l’intérêt des stratégies de remyélinisation », ajoute le Pr Stankoff.
La recherche est donc aujourd’hui face à un nouveau challenge : identifier en imagerie les patients en fonction de leur capacité de remyélinisation et ainsi guider les essais thérapeutiques selon les profils individuels. Une autre avancée vers une médecine personnalisée…
(1) C. Lubetzki et al, Lancet Neurol, août 2020. DOI: 10.1016/S1474-4422(20)30140-X
(2) B. Bodini et al, Ann Neurol, mai 2016. DOI: 10.1002/ana.24620
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