Allergie à l’arachide

La stratégie d’éviction sur la sellette

Publié le 21/05/2015
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L’allergie à l’arachide apparaît tôt dans la vie et disparaît rarement.

Si bien que, longtemps, a prévalu une stricte éviction de l’allergène dans l’alimentation des enfants à haut risque, ainsi que chez les mères au cours de la grossesse et de l’allaitement. Cependant, ni les études, ni l’expérience de terrain n’ont pu démontrer l’efficacité de ces régimes d’exclusion systématiques pour prévenir le développement d’allergies alimentaires. Pire, ces dix dernières années, la prévalence de l’allergie à l’arachide a même doublé chez les enfants des pays occidentaux. « Aujourd’hui, la stratégie d’éviction reste encore beaucoup utilisée. Mais elle est de plus en plus sur contestée », constate la Dr Martine Drouet, allergologue au CHU d’Angers. « Les enfants allergiques à l’arachide ne sont pas tous hyperréactifs. Or un régime très strict où ils ne consomment rien du tout – ni arachide, ni trace d’arachide – n’est pas très bénéfique parce qu’ils n’ont alors plus aucune chance d’acquérir une tolérance spontanée », résume-t-elle.

Dans environ 80 % des cas, la réintroduction précoce d’arachide se déroule bien, permettant d’assouplir le régime alimentaire de ces enfants. Pour les autres, il n’y a en revanche pas d’autre choix que de leur imposer un régime strict. Lorsque l’allergie à l’arachide devient une vraie contrainte au niveau de la vie sociale de l’enfant, une immunothérapie peut alors être proposée, essentiellement par voie orale ou sublinguale, dans le cadre de protocoles d’études. Si les résultats sont encourageants à court terme, ces données restent encore du domaine de l’expérimental, considère la Dr Drouet. Un projet de recherche français d’immunothérapie par voie épicutanée est également en cours. « Quand on propose une désensibilisation, il faut que le patient comprenne bien l’objectif, la contrainte et qu’il adhère à cela », insiste l’allergologue. Cette technique n’est pas dénuée d’effets secondaires et nécessite une consommation régulière d’arachide – « au moins deux ou trois fois par semaine » – pour ne pas perdre les bénéfices de l’immunothérapie.

Guérisons spontanées

L’allergie à l’arachide est une allergie sévère qui inclut très souvent des risques de réactions croisées, où se retrouvent les cas d’anaphylaxie pouvant conduire jusqu’au décès. C’est aussi une allergie possiblement évolutive qui peut donner lieu à des guérisons spontanées. « Jusqu’il y a peu, on considérait comme une évidence que toute allergie était définitive. On sait maintenant qu’environ 20 % des enfants peuvent voir disparaître leur allergie », indique la Dr Drouet. La raison de cette évolution positive ne fait pas encore consensus. « Pour certaines études, cela dépend de la sévérité de l’allergie au départ, pour d’autres non. On n’arrive pas à ressortir des critères prédictifs d’enfant qui va guérir ou non à travers la littérature. Ce qui est quand même assez consensuel, c’est qu’en général, ce qui augure de la guérison, c’est la diminution de la réactivité aux tests cutanés et de la biologie », souligne l’allergologue.

D’après la communication de la Dr Martine Drouet, CHU Angers
Samuel Spadone

Source : Le Quotidien du Médecin: 9413