Les infections étant à la fois plus fréquentes et plus graves chez les sujets âgés, elles entraînent une mortalité plus élevée et un nombre accru d'infections sévères. À titre d’exemple, le risque de développer un sepsis ou un choc septique est multiplié par sept par rapport aux adultes de moins de 65 ans*. Ce phénomène s'explique par divers facteurs, notamment la polypathologie, la polymédication, une prévalence plus importante de la dénutrition, la présence de matériels étrangers (prothèses articulaires, Tavi, pacemaker…) et l'immunosénescence. En outre, il existe un lien particulier entre le déclin fonctionnel et les infections, qui instaurent un cercle vicieux : plus une personne est dépendante, plus elle risque de contracter des infections ; et plus les infections surviennent, plus cette personne perd en autonomie. « La dépendance augmente le risque d'infections chez les sujets âgés car elle entraîne souvent une mobilité réduite, précise la Pr Claire Roubaud (service de gériatrie, CHU de Bordeaux), laquelle favorise la sarcopénie et limite les capacités physiques. Par exemple, en cas de pneumopathie, une réduction des mouvements rend la toux moins efficace, diminuant ainsi la capacité à évacuer les sécrétions pulmonaires, ce qui peut compliquer l'infection. De plus, l'immobilisation prolongée accroît le risque d'escarres, des portes d'entrée pour les infections. »
Des symptômes infectieux souvent atypiques
En cas d’infection, environ la moitié des personnes âgées présentent des signes similaires à ceux des adultes jeunes. Un tiers présentent des signes typiques, mais avec des symptômes additionnels atypiques comme la confusion, les chutes, la fatigue. Seuls 20 % environ montrent uniquement des signes atypiques. Et la fièvre est parfois absente lors d'une infection. Ces signes non spécifiques qui peuvent accompagner une infection sans être propres à cette dernière complexifient le diagnostic. « Cela crée un dilemme clinique, explique la gériatre : d’un côté, il peut y avoir un retard diagnostique si l'infection n'est pas envisagée en raison de la présentation atypique, augmentant ainsi le risque de gravité et de mortalité. D’un autre côté, si un médecin soupçonne systématiquement une infection devant ces signes atypiques et prescrit des antibiotiques de manière excessive, cela peut causer des effets indésirables (diarrhées, interactions médicamenteuses) et contribuer à l’antibiorésistance. »
Outre la prescription inadéquate d’antibiotiques, il y a aussi un risque de passer à côté du véritable diagnostic étiologique de la chute, de la confusion ou du déclin fonctionnel du patient, comme l’introduction d’un nouveau médicament ou une pathologie sous-jacente non identifiée.
Trois situations distinctes
Il existe trois situations en termes de prise en charge, décrit la Pr Roubaud. « Dans la première, le patient présente des signes de gravité ou une infection sévère. Dans la seconde, la présentation clinique est typique (par exemple signes fonctionnels urinaires associés à de la fièvre et des douleurs lombaires, signant un diagnostic de pyélonéphrite). Dans la troisième situation, les signes ne sont ni graves ni typiques. Il peut alors être judicieux de prendre un peu de temps pour surveiller l’évolution, s’assurer que le patient ne présente pas de signes de gravité et préciser le diagnostic. Un scanner peut détecter un foyer infectieux, par exemple. Il est alors pertinent d'explorer davantage pour déterminer si l’état de confusion ou d’autres symptômes non spécifiques ne sont pas liés à d’autres causes, telles qu’un problème médicamenteux, cardiaque, ou autre. »
Et si, pour différentes raisons, une antibiothérapie a été prescrite, une réévaluation à 24-48 heures permet de la suspendre en cas de nouveaux éléments.
Des diagnostics rares et graves à garder en tête
Certaines infections, comme l'endocardite ou la spondylodiscite, nécessitent du temps et une réflexion approfondie pour être identifiées. Elles se manifestent souvent par des symptômes atypiques, comme une altération de l'état général, un syndrome inflammatoire, une CRP élevée sans tableau clinique clair, des douleurs dorsales subaiguës non accompagnées de fièvre, qui sont fréquents chez les patients âgés. « Dans ces cas, des antibiotiques peuvent parfois être prescrits sans qu’un diagnostic précis ait été établi, remarque Claire Roubaud. Il est alors pertinent de réaliser des hémocultures et de considérer ces deux diagnostics. Par exemple, un accident vasculaire cérébral ou des emboles rénaux dans un contexte fébrile doivent faire suspecter une endocardite. » Certains pathogènes, comme les staphylocoques, les entérocoques ou les streptocoques du groupe gallolyticus sont connus pour être associés à l’endocardite, et leur présence dans des hémocultures doit faire penser au diagnostic.
* Martin Crit Care Med 2006
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