Prévenir la souffrance des soignants

Publié le 10/04/2020

Les soignants seront particulièrement exposés au risque de conséquences psychiques dans les mois qui suivront la crise. Y compris en termes de syndromes de stress post-traumatiques, estime le Pr Fossati. « Les hôpitaux ont mis en place des cellules de soutien. Elles sont encore peu sollicitées : tout le monde est au feu et peu sans doute se l’autorisent, comme s’il s’agissait d’une faiblesse. Mais à distance ? On l’a vu après les attentats : les troubles anxieux ont commencé à se manifester un mois après. Avec une différence notable : c’était un événement ponctuel. Là, il n’y a pas de fin en vue. »

Tenir sans craquer ? Sur les fils Twitter ou les blogs entamés comme autant d’exutoires, certains médecins et infirmiers ne cachent pas les larmes lâchées matin ou soir durant leur trajet. Leur propre peur. Et leur honte parfois. Généraliste à Mulhouse, le Dr Patrick Vogt s’en émeut : « On dort mal, c’est sûr. Mais je suis frappé de retrouver chez des confrères malades la même culpabilité que chez mes patients. Peur de transmettre le virus à leur famille, sentiment de lâcher les confrères en pleine bataille quand on est en quarantaine. Mais la honte ? Elle devrait n’être que dans le camp de ceux qui ne nous ont pas protégés », s’insurge le praticien, qui supplie ses confrères de ne pas rester isolés : « Écrivons-nous, parlons-nous, retrouvons-nous. Entre nous. Car nous, généralistes, on n’est pas très plateformes d’écoute psy », sourit-il.

à l’autre bout du pays, en Bretagne, le Dr Eric Henry, porte-parole de l’association Soins aux professionnels en santé (SPS), témoigne d’une autre forme de stress : « Depuis trois semaines, on est sur le pied de guerre en attendant la vague… qui ne vient pas. » Renforcée de 100 psychologues, la plateforme SPS (0805 232 326) est passée de 5 à plus de 150 appels par jour. « En majorité des femmes, et plus de médecins que d’infirmières ou aides-soignantes, comptabilise Eric Henry. Mais essentiellement des salariés. » Cabinets tournant au ralenti, travail administratif en retard, questions existentielles, éthiques ou juridiques et « interrogations sur l’après, en ayant perdu des patients : les médecins libéraux ont besoin de plus qu’une simple écoute psy », justifie le Pr Eric Galam, généraliste à Paris, initiateur du DU « soigner les soignants » et conseiller de l’Organisation du réseau national d’entraide soignants (ORNES), dont la plateforme institutionnelle lancée il y a deux ans, sous l’égide des Ordres (médecins, kinés, infirmiers, sages-femmes), est également renforcée. Quarante « confrères de soutien », bientôt le double, y assurent désormais des astreintes au bout du fil (0800 288 038).


Source : lequotidiendumedecin.fr