Un glissement des pratiques addictives

Publié le 10/04/2020

Alcool, tabac, drogues : pour ceux qui souffrent d’addiction, la période est délicate et les addictologues sont sur la brèche. Pas question de laisser ces patients seuls, confrontés à l’angoisse supplémentaire de l’enfermement. Et encore moins « de profiter du confinement pour leur imposer de se passer de leur produits ! », prévient Jean-Pierre Couteron, porte-parole de la fédération Addictions. « Le sevrage brutal n’est jamais la solution. C’est pour cela, même si ça semble paradoxal, que nous avons soutenu le maintien d’un accès au tabac et à l’alcool. »

Comme ses confrères, ce psychologue clinicien, qui exerce dans un centre de soins d’accompagnement et de prévention (CSAPA) à Boulogne, enchaîne désormais depuis chez lui les journées de consultations par téléphone. Aucun patient ne manque au rendez-vous. « Pour ceux qui dépendent de traitements de substitution, les médecins se réorganisent pour leur garantir une distribution, la poste se révélant incertaine. Un accueil physique restreint a été maintenu au CSAPA, notamment pour distribuer du matériel de réduction des risques, car le VIH et les hépatites ne disparaissent pas ! »

Mais au bout de trois semaines, les spécialistes s’alarment de glissements vers de nouvelles habitudes addictives. Pour les accros au cannabis, « l’accès au produit s’est réduit. Sa qualité aussi », et certains compensent le manque en s’alcoolisant massivement. « On observe aussi un usage très accru des jeux d’argent (poker et casino) en ligne », alerte Jean-Pierre Couteron. Les apéros-skype et les « deux petits verres du soir en plus » peuvent aussi faire le lit de futures addictions chez des personnes qui n’en souffraient pas, « doublement piégées par l’effet anxiolytique attribué à des produits de consommation courante et les habitudes culturelles », préviennent les addictologues. « Il n’est donc pas inutile que les médecins traitants, sans considérer tout le monde à risque, lancent des perches en consultation et rappellent que le risque d’usage commence avant l’addiction », conseille Jean-Pierre Couteron.


Source : lequotidiendumedecin.fr