Alors que le patron de l'Assurance-maladie promettait mi-septembre de mettre fin au « Far West » des téléconsultations, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023 s'apprête effectivement à encadrer les plateformes commerciales. Il propose, via son article 28, que certaines sociétés de téléconsultation soient conditionnées à un « agrément » ministériel préalable (pour facturer des actes réalisés par les médecins qu'elles salarient). Une mesure qui entrera en vigueur au plus tard fin 2023.
Le PLFSS ne cible pas n’importe quelles sociétés mais celles « qui proposent une offre de télémédecine incluant des prestations de soins ». Comprendre les cabines et autres bornes de téléconsultation, sans structuration juridique pérenne, qui ont fleuri dans les pharmacies, les collectivités locales voire les supermarchés. Par rapport aux sociétés prestataires qui proposent aux médecins de simples outils numériques de vidéotransmission n'incluant pas de soins, ces sociétés visées ne représentaient en 2020 que 3 à 7 % des consultations à distance réalisées en France.
Une structuration en « centre de santé » qui coince
Certes, reconnaît l'exécutif, ces sociétés de télémédecine répondent à de vrais besoins de soins des patients, en particulier des « demandes ponctuelles » en zone sous-dense ou pour les patients privés de médecins traitants. Mais pour l’heure, leur fonctionnement repose sur un modèle juridique flou et sans « régulation spécifique », note l'exposé des motifs du PLFSS.
Pour facturer des soins à la Sécu, ces sociétés commerciales ont créé des associations gérant des centres de santé, et elles salarient ensuite des praticiens de l’autre côté de l’écran. En 2020, ces sociétés employaient ainsi 268 équivalents temps plein (ETP) médicaux dans l’Hexagone, soit « 0,3 % de l’activité totale des généralistes ».
C'est ce statut « bricolé » qui coince. D’abord parce que le modèle présenté « ne correspond pas au corpus des centres de santé, en raison de ses exigences d’accueil physique et de non lucrativité », rappelle le PLFSS. Mais aussi parce que l’accord national applicable aux centres de santé leur impose désormais le seuil maximal de 20 % d'activité réalisée à distance (téléconsultations et télé-expertises), comme pour les libéraux (dès 2022). Échec annoncé pour ces sociétés qui – dépassant très largement ce seuil – devraient « renoncer à ce modèle de structuration à court terme », anticipe le projet de loi.
Dernière tentative : certaines sociétés ont carrément demandé d’obtenir le statut « d’établissement de santé virtuel national ». Une requête qui ne « résiste pas » aux exigences imposées par l’Ordre et les agences régionales de santé (autorisation, certification qualité).
Agrément et comité médical
Pour que ces sociétés commerciales puissent facturer des téléconsultations à la Cnam, le PLFSS modifie donc le code de la Sécurité sociale mais en conditionnant leur fonctionnement à l'obtention d’un statut « ad hoc » permettant de clarifier les exigences juridiques, déontologiques mais aussi de qualité des soins et de respect des normes de sécurité.
Pour obtenir l’agrément ministériel, ces sociétés ne devront pas être gérées par un fournisseur, distributeur ou fabricant de médicaments ou de dispositifs médicaux. Leurs services numériques ne devront respecter strictement les règles de protection des données personnelles (ainsi que les référentiels d'interopérabilité).
Autre prérequis : elles auront l’obligation de réunir « régulièrement » leurs médecins salariés au sein d'un « comité médical ». Son rôle ? « Donner son avis sur la politique médicale » de la plateforme et travailler à l’amélioration continue de la sécurité et de la qualité des soins. En parallèle, les plateformes concernées devront élaborer un programme d’actions, assorti d'indicateurs de suivis. Chaque année, un rapport d’activité sera envoyé au Conseil département de l’Ordre des médecins.
Insuffisance professionnelle ?
La durée de cet agrément – renouvelable – sera précisée par décret. En parallèle, un référentiel de bonnes pratiques à destination de ces sociétés commerciales sera édité. Restent les interrogations déontologiques liées à l'exercice exclusif à distance. À plusieurs reprises, l'Ordre a alerté sur cette pratique qui « si elle est durable » pourrait générer à terme « une perte d’expérience clinique susceptible de placer le médecin en situation d’insuffisance professionnelle ».
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