CONTRIBUTION - Afin de contenir la propagation du virus SARS-CoV-2, un confinement plus ou moins sélectif des populations a été adopté par de nombreux États. La reprise graduelle d’activité nécessite des stratégies de sortie de confinement, lesquelles doivent anticiper les risques de rebonds, 2e vague, saisonnalisation du virus, etc. Ces stratégies s’appuient notamment sur les études de séroprévalence. Or, à la difficulté internationale de s’assurer de technologies performantes (fiabilité des offres compétition entre acheteurs, etc.), s’ajoute en France un cadre juridique inadapté, générant une charge administrative considérable pour les hôpitaux et équipes de soins. De surcroît, les études de séroprévalence échappent à l’ordonnance du 20 avril 2020, laquelle visait, face à l’urgence sanitaire, à accélérer l’examen des projets de recherches ne comportant « aucun risque ni contrainte ».
Les tests sérologiques permettent d’établir qu’une personne a été infectée par le virus SARS-CoV-2 car elle a produit des anticorps, expression de sa propre défense immunitaire. Leur présence doit être établie de façon fiable. Différents tests sérologiques sont en évaluation dans toute la France par des hôpitaux civils et militaires, avec/sous l’égide du Centre national de référence. Leur stratégie d’utilisation devrait être prochainement définie par la Haute Autorité de santé. Une doctrine nationale de déconfinement et des déclinaisons locales sont en cours d’élaboration.
Dans ce contexte, les études dites de « prévalence sérologique » visent à établir le nombre de personnes qui, dans un groupe déterminé, présentent de tels anticorps. Cela permet de connaître le pourcentage de cette population qui aura été assurément infectée, et est supposée protégée : en l’état des connaissances, la présence des anticorps ne préjuge en effet pas de l’effectivité, ni de la durée de l’immunité supposée acquise, et n’exclut pas la contagiosité (un suivi des testés est donc souhaitable, potentiellement grâce à des technologies connectées). Les études de séroprévalence peuvent porter sur des groupes prioritaires – pour l’adaptation des protections selon les vulnérabilités, nos capacités de soins/de souveraineté, le maintien/la relance sectorielle d’activités, d’éventuels agendas territoriaux, etc. – puis s’étendre progressivement.
Une procédure chronophage
Ce dépistage informé et consenti d’anticorps repose sur une prise de sang pour répondre à une seule question, liée au SARAS-CoV-2. Or, depuis la loi du 5 mars 2012 et l’arrêté du 12 avril 2018, cela est assimilé à une « recherche interventionnelle », subordonnée à l’avis favorable d’un Comité de protection des personnes (CPP), sur la base d’un protocole détaillé, selon une procédure multi-acteurs (L 1121-4 CSP), soumis à une demande d’avis contraignant en cas de modification substantielle de protocole (1123-9 CSP), etc.
L’autorité publique a invité les CPP à se prononcer très rapidement. Mais des protocoles sophistiqués restent à chaque fois requis. Du fait de son but et du contexte, cette procédure apparaît d’autant moins appropriée et plus chronophage, qu’elle doit être répétée pour chaque étude (selon la typologie et disponibilité des tests de sérologie, l’élargissement des groupes testés, etc.), sachant que chaque protocole requiert une équipe pluridisciplinaire d’une douzaine de personnes plusieurs jours, de longues réunions pour les avenants etc. Il est essentiel de soulager l’expertise, et libérer le service de personnels civils et militaires compétents, sans préjudice de leur rigueur méthodologique et de la protection des données (MR001).
Dans ce contexte d’urgence de santé publique, n’ajoutons pas, aux défis technologique et organisationnel, cette charge disproportionnée : l’étude de séroprévalence ne vise pas à de la recherche sur l’être humain, mais à l’évaluation d’états individuels et populationnels. Elle est pourtant réputée relever de l’article L. 1121-1-2° CSP. L’ordonnance du 22 avril 2020 n’a rien changé à cela. Ne serait-il pas opportun de modifier l’arrêté de 2018, voire de reconsidérer la loi de 2012, à la lumière de nos expériences et perspectives ?
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Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.
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