Traitement de la migraine

La voie des anticorps monoclonaux anti-CGRP

Publié le 07/12/2015
Une pathologie qui touche 20 % de la population

Une pathologie qui touche 20 % de la population
Crédit photo : PHANIE

Le calcitonin gene related polypeptide (CGRP) est un peptide très présent dans le système trigéminovasculaire (la moitié des fibres de ce système en contiennent), où il a un effet vasodilatateur et participe aussi aux phénomènes d’inflammation neurogène qui sont à la base de l’activation du système trigéminovasculaire. Les recherches menées ces dernières années sur le blocage du CGRP ou de son récepteur pour traiter la maladie migraineuse se sont fondées globalement sur trois types de données. La première est le constat d’une augmentation de la concentration de CGRP dans le sang de la veine jugulaire lors des crises migraineuses et le retour à la normale de cette concentration contemporaine de la disparition de la céphalée suite à l’administration de triptans à effet rapide (comme le sumatriptan sous cutané). Ces donnés ont été confirmées par plusieurs études montrant en particulier une élévation de la concentration du CGRP plasmatique et salivaire entre les crises de migraine épisodiques et plus encore dans la migraine chronique.

Deuxième prérequis de ces études : l’administration de CGRP induit chez tout un chacun une céphalée immédiate qui, chez les migraineux exclusivement, est suivie d’une crise retardée semblant témoigner d’une sensibilité excessive aux CGRP chez ces patients. Troisième élément enfin : des antagonistes des récepteurs du CGRP, les gépans, ont démontré une efficacité réelle dans la crise migraineuse (leur développement a toutefois été interrompu à la fois du fait d’un risque de toxicité hépatique en cas d’administration répétée et d’une efficacité qui ne semblait pas supérieur à celle des triptans, bien qu’ils soient dotés d’une meilleure sécurité d’emploi, du fait de l’absence d’effet vasodilatateur).

Parallèlement, l’idée a fait son chemin d’utiliser une biothérapie par des anticorps anti-CGRP ou anti-récepteurs CGRP dans la migraine, ces produits permettant un traitement très spécifique avec un rapport bénéfice/risque important, d’autant que ces anticorps humanisés sont grevés d’un risque immunogène très faible. De plus, ces molécules ont une demi-vie très longue, ce qui permet de les utiliser en traitement de fond, avec des administrations peu fréquentes. Ceci est un élément favorable pour l’observance qui est un problème réel dans la prise en charge de la migraine chronique.

Dans les migraines fréquentes et les migraines chroniques

À ce jour quatre composés sont en développement, trois anti-CGRP et un anti-récepteur de CGRP, administrables par voie sous cutanée, ou IV pour l’un d’entre eux, tous dotés d’une demi-vie d’au moins trente jours permettant donc des administrations mensuelles. Les deux premières études de preuve de concept, études randomisées en double aveugle contre placebo, publiées en 2014 (1,2) concernant, l’une l’anticorps LY2951742 en injection sous cutanée (150 mg) tous les 15 jours et l’autre, l’anticorps ALD 403 en une injection IV (1 000 mg), avec, dans les deux cas un suivi à trois mois, ont attesté la bonne tolérance et l’efficacité, au moins à court terme, de ces deux produits dans la migraine épisodique à haute fréquence (jusqu’à 14 jours de migraine par mois) chez des patients âgés de 18 à 65 ans pour l’étude sur le LY2951742, 18 à 55 ans pour celle sur l’ALD 403. Ces résultats ont été confirmés par deux études récentes concernant à la fois la migraine épisodique à haute fréquence et la migraine chronique où l’efficacité de ces molécules n’avait pas encore été établie (3,4). Ces deux études multicentriques, randomisées en double aveugle contre placebo ont été menées chez des patients âgés de 18 à 65 ans souffrant soit d’épisodes migraineux durant 8 à 14 jours par mois, soit de migraine chronique. Dans les deux études, l’anticorps monoclonal (TEV-48125) a été administré par voie sous cutanée tous les 28 jours. Les résultats témoignent de l’efficacité et de la bonne tolérance du traitement dans les deux indications. Dans les migraines épisodiques le nombre de jours avec crise migraineuse a diminué significativement dans le groupe traité (-2,58 à -2,81 jours selon la dose) par rapport au groupe placebo (p ‹ 0,0001). Dans la migraine chronique, le traitement s’est également révélé d’une efficacité supérieure à celle placebo sur la durée des céphalées (-22,74 heures à -30,41 heures selon la dose ; p = 0,0386 et 0,0057 respectivement). La tolérance a été jugée très bonne dans les deux études. Ces résultats, estiment les auteurs, justifient la réalisation d’études de phase 3. Concernant la sécurité de ces produits, au-delà de leur bonne tolérance à court terme démontrée par ces études, se pose celle de leur tolérance à long terme, souligne Le Pr Lanteri-Minet.

«Le développement de ces anticorps est un bel exemple de recherche translationnelle. Leur sécurité d’emploi et leur efficacité semblent établies à court terme, elles restent à confirmer à long terme. Des facteurs prédictifs de réponse à ces produits restent également à déterminer. Le positionnement de ces produits devra être précisé, conclut le Pr Lantéri-Minet, car se posera un problème de coût dans une pathologie qui touche 20 % de la population ».

D’après la communication du Pr Michel Lantéri-Minet, CHU de Nice

 

(1) Dodick DW. Lancet neurol 2014;13:885-92

(2) Dodick DW. Lancet neurol 2014;13:1100-7

(3) Bigal ME. Lancet neurol 2015;14:1081-90

(4) Bigal ME. Lancet neurol 2015;14:1091-100

Dr Hélène Collignon

Source : Le Quotidien du Médecin: 9456