Cette année, le Congrès de médecine générale a accordé une large place aux spécificités du patient vu en soins primaires. Une édition également marquée par de nombreux partenariats avec les institutionnels : ANSM, CNAMTS, HAS, INCa, tout le monde étant au rendez-vous. Deux tendances fortes illustrées par de nombreuses plénières commecelle sur la lombalgie qui a fait salle comble.
« À ceux qui me demandent quel est le thème du congrès cette année, je réponds : c’est le patient ». C’est par ces mots que le Dr Catherine Laporte, présidente du comité scientifique du 11e Congrès médecine générale France (CMGF) a résumé la philosophie de cette édition 2017.
L’occasion de rappeler les spécificités des patients et des situations rencontrés en médecine générale. Selon le fameux « carré de White », star de nombreuses communications cette année, sur 1 000 adultes exposés à un problème de santé, 800 ressentent au moins un symptôme, 217 consultent - dont 113 en soins primaires - et un seul est hospitalisé en CHU. C’est dire si les patients vus en CHU sont sélectionnés et loin de ceux qui consultent au quotidien en médecine générale. D’où un dialogue parfois faussé.
Par exemple, « lorsqu’on parle de dépression, on ne parle pas tous de la même chose », explique le Pr Anne-Marie Magnier (Département de médecine générale, UPMC) qui intervenait sur ce thème. Pour preuve, un patient étiqueté dépressif avec le DSM ne le sera pas forcément avec la CIM 10 et inversement. Globalement « nous voyons souvent les choses au début, à un stade où la maladie n’est pas forcément bien organisée ».
Un constat qui vaut pour de nombreuses pathologies de médecine générale, comme l’a également souligné le Dr Julien Le Breton (Département de médecine générale de Créteil) lors d’une session dédiée à la lombalgie. Le plus souvent, le MG voit les patients à un stade précoce avec des consultations motivées davantage par des symptômes (70 %) que pour une pathologie bien étiquetée et des plaintes volontiers non-spécifiques. Avec, à la clé, le risque de « réduire le diagnostic au seul motif de consultation ou, à l’inverse, de poser un diagnostic sans preuve ».
Incertitude diagnostique La lombalgie illustre bien cette réalité de la pratique généraliste et le raisonnement clinique qui en découle. Le plus souvent, le patient consulte pour un symptôme sans cause physiopathologique perçue. Tout l’enjeu consiste alors « à exclure les résultats de consultation les plus proches sémiologiquement (myalgie, névralgie, sciatique, douleur non caractéristique) » et à « évoquer les maladies graves sans se lancer dans des investigations systématiques, anxiogènes, coûteuses voire iatrogènes : hernie discale, tassement vertébral, rhumatisme inflammatoire, cancer, etc. ».
Maladie chronique ou affection aiguë ? La lombalgie est aussi un bon exemple de ces pathologies à mi-chemin entre maladie chronique et affection aiguë qui font le quotidien du généraliste. En s’interrogeant sur la définition de la maladie chronique, les auteurs de l’étude Polychrome ont en effet montré que pour 30 affections aiguës caractéristiques et 50 pathologies chroniques typiques, le généraliste est confronté à une centaine de situations intermédiaires. Lombalgie, céphalées, etc., ces affections sont souvent gérées comme une succession d’épisodes aigus, échappant à une approche de fond.
Alors que le mot d’ordre est d’éviter la chronicisation, le Dr Le Breton propose donc de façon un peu provocatrice d’appréhender la lombalgie comme une pathologie chronique et de viser, surtout, à en limiter la sévérité. L’idée est de revoir le malade quand il n’a plus mal pour pouvoir l’impliquer davantage car on sait qu’en phase aiguë les patients sont plus passifs. L’objectif est aussi de pouvoir sortir de l’approche biomédicale pure au profit d’une prise en charge prenant en compte le contexte du patient, ses attentes, son vécu, etc. On sait, en effet, que la lombalgie n’est que rarement mono-
problématique (moins de 10 % des cas) et s’accompagne souvent de comordidités (surpoids/obésité, TMS, troubles psychologiques, conflit au travail...). Par ailleurs, cela « pourrait ouvrir la porte à des actions de prévention voir de dépistage »…
Des enjeux économiques importants Une éventualité qui se défend lorsque l’on sait que la lombalgie est la maladie chronique la plus déclarée en population générale (19,2 %) loin devant l’HTA (13,1 %) et le diabète (8,5 %). Avec, en corollaire, des dépenses importantes pour l’Assurance Maladie du fait des indemnités journalières (une lombalgie sur cinq se solde par un arrêt de travail), mais aussi des coûts directs imputables aux visites médicales, traitements, examens complémentaires, etc.
Dans ce contexte, Cnamts et généralistes travaillent de concert pour améliorer les pratiques. Là encore, la lombalgie fait figure d’exemple…