LE QUOTIDIEN : Que pensez-vous du mode de régulation du système de santé actuel ?
FREDERIC VALLETOUX : Parlons tout d'abord de l'ONDAM, selon moi, totalement obsolète ! Ce système, pensé par un jeu d'enveloppes fermées et de réserve prudentielle de crédits, ne pèse que sur les établissements. Il nous pénalise. Nos calculs [voir encadré, NDLR] montrent que l'ONDAM est synonyme de double peine pour les hôpitaux. Non seulement on nous ponctionne des financements chaque début d'année, mais en plus – qu'on nous les rende ou pas – nous constatons un vrai manque à gagner pour les établissements sanitaires et médico-sociaux au bénéfice de la ville.
J'ajoute que l'ONDAM n'est adapté ni à l'évolution des prises en charge ni à la nécessité de faire émerger un financement au parcours de soins. C'est la raison pour laquelle nous réclamons une mission parlementaire ad hoc.
Vous souhaitez que chaque acteur du système de santé contribue à la régulation budgétaire « au prorata de son poids dans l'ONDAM ». Ça veut dire quoi ?
Ça veut dire que la régulation doit aussi peser sur la médecine de ville. Évidemment, la maîtrise de cette enveloppe est plus difficile, car l'assurance-maladie fonctionne comme un guichet de financement pour la médecine libérale...
À Eaubonne [en février 2018, NDLR], le premier ministre Édouard Philippe a annoncé vouloir "améliorer" la régulation des dépenses de santé de la ville. L'exécutif a créé une mise en réserve spéciale [de 120 millions d'euros sur les soins de ville, NDLR] au sein de l'ONDAM 2019. Certes, c'est modeste, certes, ce mode de gestion n'est pas adapté aux enjeux de la régulation car il ne responsabilise pas les acteurs, mais c'est une première. C'est bien le signe que le gouvernement réfléchit sérieusement à des pistes pour réguler l'enveloppe de ville. Nous, on trouverait en tout cas cela normal.
Si le gel des crédits n'est pas un outil de régulation suffisamment efficace, que préconisez-vous ?
Nous préconisons de s'attaquer fermement à la pertinence des actes. C'est le juste baromètre de la régulation. Nous avons démontré en quoi le manque de pertinence conduisait à des aberrations et à des écarts de pratiques pathologie par pathologie.
On ne peut pas dire qu'il y a 20 à 30 % d'actes inutiles et ne rien faire. Ça suffit de faire le constat du constat ! C'est d'autant plus urgent que c'est là qu'on trouvera de l'oxygène financier, des recettes pour mieux rémunérer les professionnels de santé, que ce soit la consultation à 25 euros ou les salaires dans les hôpitaux… Au risque il est vrai de bousculer les professionnels en ajustant les modèles de rémunération de certains, comme ceux qui font beaucoup d'actes illicites, à l'hôpital où en ville.
Doit-on envisager un système pénalisant, y compris sur les tarifs des médecins en cas de dépassement de l'ONDAM, et un financement moindre pour les actes non pertinents ?
Bien sûr, c'est évident ! Dire que tout le monde participe à l'effort de régulation revient à cela.
Article suivant
Repères
Frédéric Valletoux: « La régulation doit aussi peser sur la médecine de ville »
Repères
Démarches de pertinence, tarifs pluriannuels : l'ordonnance Aubert
Pour contrôler la dépense de médicaments, plusieurs leviers à l'étude
Padhue : Yannick Neuder promet de transformer les EVC en deux temps
À Niort, l’hôpital soigne aussi les maux de la planète
Embolie aux urgences psychiatriques : et maintenant, que fait-on ?
« Les Flying Doctors », solution de haut-vol pour l’accès aux soins en Bourgogne