Calcul du temps de travail des praticiens hospitaliers : l'intersyndicale APH n'exclut pas des contentieux en justice

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Publié le 13/12/2022

Crédit photo : S.Toubon

La question du décompte précis du temps de travail à l'hôpital – pour stopper les dérives – ne concerne pas que les internes, elle préoccupe aussi les PH en poste, au point d'envisager aujourd'hui des actions en justice. Ainsi, l'intersyndicale Action praticiens hôpital (APH) s'interroge sur l'opportunité d'« inciter tous les praticiens hospitaliers à aller ester au tribunal administratif pour que leurs droits élémentaires (décompte du temps de travail, ndlr) soient respectés »

Les jeunes ont montré le chemin. Après une décision du Conseil d’État en juin 2022, jugée historique, sur le temps de travail dans les hôpitaux, les internes ont décidé d’attaquer en justice tous les CHU, début décembre.

À l’inverse, APH avait jusque-là privilégié une « solution négociée » pour obliger les établissements à appliquer la loi. L’intersyndicale a adressé en ce sens un courrier à la Fédération hospitalière de France (FHF) fin septembre. Elle lui demandait de « rédiger une instruction ou une note stipulant l’application de la norme à tous les directeurs d’établissements ».

« Heures invisibilisées »

Las, l’intersyndicale déclare n'avoir pas reçu de réponse officielle de la FHF. Dans son courrier, APH proposait la prise en compte du temps de travail des PH « sous forme d’un décompte horaire » – et non plus sous la forme de demi-journées, un système « source de complexité et d’iniquité ».

De fait, le temps de travail accompli au-delà de la borne maximale de 48 heures n’est pas rémunéré, résume au « Quotidien » le Dr Jean-François Cibien. Le président d'APH considère même que « les administrations se sont habituées à nous faire travailler de manière déguisée au-delà de nos obligations de service (10 demi-journées par semaine, dans la limite de 48 h, moyennées par quadrimestre, NDLR)» 

Des heures « invisibilisées pour une majorité de praticiens », clame l’urgentiste du CH d'Agen. Un travail qui représente un « gain formidable » pour l'État, glisse APH. « Pour un même statut, la rémunération est forfaitaire et identique pour un volume horaire de travail clinique qui, selon les praticiens, peut varier de 39 à 60 heures », illustre la centrale syndicale. « Tous les 4 ans, on offre une année de travail à l’État », considère même le Dr Cibien. 

« Entre le marteau et l'enclume »

Au-delà des dérives, APH étudie par ailleurs « la régularité de la non-déclaration, couplée à une non-rémunération, des heures réalisées au-delà de 39 heures et en deçà de 48 heures ». Celles-ci pourraient s’apparenter à « du bénévolat forcé », avance le syndicat.

Dans ce contexte, le président d’APH n’exclut pas d’aller devant les tribunaux administratifs « si rien ne bouge ». Un défi serait de taille car cela représenterait des dizaines de milliers de procédures… Quant à l’absence de réponse de la FHF, elle prouve selon lui que le lobby hospitalier est « entre le marteau et l’enclume ». Une position qu’il peut comprendre car « si on déclarait toutes les heures que font les praticiens, la facture se chiffrerait en milliards... ».

Charge de travail

Responsable adjoint au pôle « ressources humaines » de la fédération, Quentin Henaff assure au « Quotidien » que la FHF « n’a pas de pouvoir d’instruction ». Elle n’a donc pas besoin de rédiger une note qui « serait du même ordre ». Et d’ajouter que la fédération aide au quotidien les PH « à s’approprier les nouveaux textes ». « On a partagé la décision du Conseil d’État sur notre site internet et on a fait le point sur ces sujets lors de nos journées de formation », illustre ce responsable de la FHF.

De surcroît, observe-t-il, la plus haute juridiction administrative a « validé les textes tels qu’ils existent : la demi-journée reste donc la manière normale de calculer le temps de travail des praticiens. » Il ne serait donc pas nécessaire de mettre en place un décompte horaire systématique même si la FHF n’y est « pas opposée par principe ». Celui-ci « ne correspond pas à la demande de tous les praticiens, car les enjeux de charge de travail ne sont pas les mêmes en fonction des disciplines », cadre Quentin Henaff. À charge pour les établissements de faire appliquer la loi. « Certains chefs de service de la vieille école ont peut-être tardé à le faire, observe Quentin Henaff. Aujourd’hui, ils ont des logiciels fiables pour le faire facilement. »


Source : lequotidiendumedecin.fr