LE QUOTIDIEN : La hausse en volume des indemnités journalières dues aux arrêts de travail est-elle imputable aux médecins prescripteurs ?
Dr PATRICK LÉGERON : Non, je ne crois absolument pas ! Peut-être à la marge, il peut y avoir des situations où quelques arrêts de travail sont rédigés par le médecin non pas face à un problème de pathologie, mais parce qu'il perçoit que la personne est à bout et il le fait pour la protéger. Il n'y a pas de justification médicale au sens plein du terme, mais cela offre une soupape au patient.
Les causes sont ailleurs, au niveau de l'organisation du travail et des pratiques de management défaillantes, qui laissent de moins en moins d'autonomie aux gens, saucissonnent leurs actions, comme une forme de néo-taylorisme.
Il y a un manque d'équilibre entre vie professionnelle et personnelle, et des managers qui ne sont pas formés à l'humain. Plutôt que de dénoncer les médecins comme les responsables, il faut aller au fond du problème et regarder ce qui est fait en termes de prévention. Or en France, moins de 30 % des entreprises ont mis en place des actions de lutte contre les risques psychosociaux.
Êtes-vous toujours en faveur de sanctions économiques contre les entreprises ?
Oui, et cela doit être le principe du "pollueur payeur". Je le trouve très sain. Il est hors de question que la collectivité paie les dégâts occasionnés par les entreprises sur les salariés ! Mais il faut le faire en amont, c'est-à-dire pénaliser les entreprises qui n'ont pas mis en place des indicateurs d'évaluation des risques, notamment psychosociaux.
Et si une entreprise met en place des actions de lutte contre le stress, elle doit pouvoir bénéficier d'une défiscalisation. C'est plus logique que de punir lorsqu'il y a déjà l'arrêt de travail.
Quelles sont les bonnes pratiques pour aider les médecins prescripteurs face à un salarié en souffrance psychique ?
Il faut d'abord qu'ils soient mieux formés et sensibilisés à ces problématiques. Aujourd'hui le terme de burn-out est fourre-tout, car on y mélange une grande fatigue ou une vraie pathologie. Or entre le « simple » épuisement et le burn-out il y a une différence : l'épuisement est l'un des critères du burn-out, mais il y a aussi la déshumanisation et le sentiment de perte d'efficacité au travail.
Ensuite, il faut renforcer les liens entre généralistes et médecins du travail. Il y a une coupure considérable entre les deux spécialités ! Enfin, les généralistes ne doivent pas hésiter à dire aux salariés en souffrance de parler de ces facteurs de risques psychosociaux aux médecins du travail et aux délégués du personnel.
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