L'onde de choc du Covid qui a mis à rude épreuve l'hôpital public est arrivée dans un contexte de mouvement social massif des soignants — commencé un an plus tôt — et qui a, pour la première fois, embarqué les médecins. Quant aux Français en général, dès le « Grand débat » organisé par le gouvernement en réponse au mouvement des Gilets jaunes, puis dans de nombreux sondages, ils ont exprimé la prééminence qu'ils accordaient à la question de l'accès aux soins et, tout particulièrement, de l'hôpital.
Autant dire qu'en 2022, il est impossible pour les candidats à la présidentielle de faire l'impasse sur l'hôpital, même si le sujet demeure technique et propice aux idées à l'emporte-pièce. Le thème de la gouvernance hospitalière est particulièrement complexe et, à vrai dire, peu s'y risquent dans le détail. Lorsqu'en mai 2020, l'ancien Premier ministre, inaugurant les concertations du Ségur de la santé avait diagnostiqué « plutôt un problème de management que de règles de gouvernance », il reçut, en retour, une volée de bois vert.
Moins de verticalité
Pourtant, à la lumière des enseignements de la crise sanitaire, nombre de propositions suggèrent de rendre du pouvoir aux soignants et aux médecins, dans le cadre d'une gouvernance plus équilibrée et de « débureaucratiser » le fonctionnement hospitalier, autant de leviers d'attractivité.
Ainsi, alors que Nicolas Sarkozy avait assumé en 2008 de conforter les directeurs d'hôpitaux dans leur rôle de seul « patron », son ancienne ministre, désormais candidate LR à la présidence de la République, fait marche arrière. « Mon projet prévoit une nouvelle étape d’autonomie hospitalière, qui passe par des statuts rénovés permettant plus de souplesse et de confier de larges responsabilités et délégations de gestion notamment aux médecins chefs de service, a annoncé Valérie Pécresse dans un entretien exclusif au "Quotidien". Ils devront avoir les coudées franches, dans le cadre de contrats d’objectifs et de moyens et pouvoir décider de l’achat des matériels et des équipements mais aussi des recrutements. » Son conseiller santé, le Pr Philippe Juvin, n'a cessé de plaider en ce sens. Moins de verticalité, moins de bureaucratie, plus d'autonomie aux soignants : tel semble le message. Pas en reste, Marine Le Pen souhaite instaurer « une direction bicéphale de l’hôpital avec un administratif, chargé du budget, et un médecin, qui s’occupera de la politique de santé » car selon elle « l’hôpital étouffe sous la bureaucratie ».
Navire amiral du service public
À gauche, la question de la gouvernance n'est pas tellement mise en avant ; en revanche ses candidats battent en brèche les dérives de l'« hôpital entreprise », de la tarification à l'activité jusqu'aux contraintes budgétaires en passant par le management.
Pour la maire de Paris, qui préside le conseil de surveillance de l'AP-HP, l'hôpital doit demeurer le « navire amiral du service public de santé ». Dans le programme d'Anne Hidalgo, il s’agit « de tourner la page de la maîtrise comptable qui a affaibli notre système de santé ». Pour y arriver, « les règles de tarification à l’acte seront modifiées afin de garantir les ressources de l’hôpital public par une dotation correspondant aux besoins de santé de la population desservie ». Dans la même veine, le candidat écologiste Yannick Jadot veut « sortir de la course à la rentabilité » et ne conserver la T2A que pour les « seuls actes techniques et programmables ».
D'autres veulent carrément l'abroger. Le communiste Fabien Roussel propose d'instaurer « un budget de fonctionnement qui couvrira l’ensemble des charges et obligations des établissements, sur la base de l’obligation de moyens et non de résultats ». Quant à Jean-Luc Mélenchon, il ambitionne de « reconstruire le service public hospitalier ». Et même de l'autre côté de l'échiquier politique, Marine Le Pen veut « arrêter la T2A » et « revenir à une forme de budget global ». En revanche, la candidate LR la conserve mais « l'enrichit avec un vrai financement à la qualité des soins ».
Des lits et du personnel
S'il est un sujet qui rassemble, c'est la nécessité de recrutements à l'hôpital public. Il faudra y embaucher 25 000 soignants en cinq ans, quitte à supprimer du personnel administratif, si la droite revient au pouvoir. La candidate d'extrême droite veut de son côté y « recruter en masse », affirmant que « 30 % des postes ne sont pas pourvus ».
À gauche, Anne Hidalgo promet tout autant de « recruter massivement », Yannick Jadot d'augmenter le ratio de soignants par patient, notamment en employant 100 000 infirmières supplémentaires. Jean-Luc Mélenchon mise lui aussi sur davantage de médecins fonctionnaires et Fabien Roussel promet un « vaste plan de développement de l'hôpital public » assorti de 100 000 emplois. Mais la réalité des vacances de postes hospitaliers depuis des années montre que certaines promesses politiques ont des allures de pensée magique, car il faut surtout créer les conditions de carrières médicales et paramédicales plus attractives pour fidéliser les soignants.
Enfin, question sensible depuis la crise Covid, le nombre de lits hospitaliers est un autre totem. Le candidat de La France Insoumise veut revenir sur les suppressions des dernières années et surtout en rouvrir en psychiatrie publique. Anne Hidalgo entend y mettre un terme et Yannick Jadot inversera la vapeur. À droite, Valérie Pécresse regrette que 10 % des lits soient « fermés faute de soignants » et Marine Le Pen plaide pour « un moratoire ».
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