LE QUOTIDIEN : À ce stade, quel bilan faites-vous de l'application de la réforme ?
FRÉDÉRIC VALLETOUX : Je me suis rendu en Franche-Comté, en Bourgogne, en Champagne-Ardenne, en Bretagne. Pas question de se mentir : sur le terrain, créer un GHT n'est pas toujours simple. Pour certains hôpitaux proches ou habitués à coopérer, le GHT se dessine naturellement. Pour d'autres, la réforme génère des tensions et des incompréhensions. C'est le cas en Provence-Alpes-Côte d'Azur ou dans la petite couronne francilienne.
La FHF pousse les hôpitaux à intégrer cette logique de coopération de territoires, qui correspond à notre stratégie de groupe. Mais les mariages forcés entre hôpitaux n'ont aucun intérêt. Semer les graines de la discorde aujourd'hui est le meilleur moyen de générer des blocages qui perdureront demain.
Vous évoquez des tensions sur le terrain. De quel ordre ?
Certaines ARS ont la tentation de forcer les acteurs locaux à accepter des GHT qui n'ont rien de naturel.
Le contexte budgétaire restreint contribue également à la crainte de suppressions de lits, de baisses d'activités programmées. Je l'entends, mais une réforme structurelle n'a jamais lieu en période de vache grasse.
Ne nous leurrons pas non plus sur la réalité des guerres d'influence politique. Les élus locaux ont toujours le réflexe de vouloir sauvegarder « leur » hôpital. Mais si les médecins portent un projet médical cohérent, il n'y a aucune raison que les politiques parviennent à leurs fins.
Les PH appréhendent une "nomadisation" de la médecine hospitalière. Les psychiatres, eux, redoutent d'être laissés au bord de la route…
Marisol Touraine a tenu, à l'ouverture du comité de suivi des GHT, un discours rassurant à l'égard de la communauté médicale. Elle a fait le choix de donner six mois de plus à la communauté médicale pour s'organiser [avant la fin de l'année plutôt qu'en juillet, NDLR]. C'est une preuve de souplesse. L'erreur aurait été que l'État impose un nombre précis de GHT aux hôpitaux. C'était le plantage assuré.
Par ailleurs, la psychiatrie ne doit pas endosser un costume unique. Les territoires sont d'une telle diversité que la souplesse est de mise. Cela vaut en fait pour tous les hôpitaux. Je ne suis pas contre les dérogations à la loi si elles se justifient.
Cette réforme est-elle d'ampleur comparable à la création des CHU en 1959 ?
C'est une vraie révolution silencieuse. Tous les hôpitaux évoluent en même temps sans que les citoyens n'en aient conscience. Je crois en cette réforme car la loi la rend obligatoire. La politique de l'autruche et la mauvaise volonté n'ont plus leur place. Quand l'intercommunalité est devenue obligatoire, personne n'en est mort, les communes ont survécu. Les hôpitaux survivront aussi. Aucune logique de restructuration ne se cache derrière les GHT.
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