Les mesures présentées par Agnès Buzyn lundi 2 septembre suffiront-elles à calmer la grogne aux urgences ? Les médecins sont partagés. « Bricolage » ou « effets de manche » pour certains, « revendications de longue date » pour d’autres, les syndicats attendent le second train de mesures, la semaine prochaine, pour juger définitivement les réponses apportées par l’exécutif à la crise qui dure depuis six mois.
Le message envoyé par la ministre est clair : elle compte sur les libéraux pour désengorger les urgences. Sur ces bases, certains syndicats se disent prêts à s’engager sous conditions, d’autres tancent un rafistolage et demandent des moyens.
« C’est du bricolage, du grand n’importe quoi ! » Le Dr Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France (FMF), est sans doute le plus virulent. Le généraliste de Clamart (Hauts-de-Seine) estime que la possibilité accordée aux SAMU de déclencher un transport sanitaire vers un cabinet de ville ou une maison de santé ne permettra pas de désengorger les urgences. Selon lui, cette mesure touche principalement les personnes âgées et les personnes handicapées, or cette population est la principale bénéficiaire des visites à domicile dispensées par les généralistes libéraux. « Si on les voit en visite et qu’on prescrit une hospitalisation, ce n’est pas pour que le SMUR les renvoie à notre cabinet derrière », s’agace le Dr Hamon.
Majoration de 15 euros
Ce dernier ne voit qu’une manière de faire baisser le flux de patients aux urgences : « Il faut donner les moyens aux libéraux de prendre en charge les pathologies qui n’ont strictement rien à faire à l’hôpital. » Pour ce faire, il demande une majoration de 15 euros sur le tarif des consultations de soins non programmés.
Une revendication partagée par le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF. Celle-ci existe déjà pour les malades adressés par le Centre 15 à leur médecin traitant (MRT). À MG France, on demande même ce jeudi la mise en place « d'une cotation spécifique (soins non programmés) pour les actes réalisés à la demande du centre de régulation des appels ».
La volonté de l’exécutif de rendre le tiers payant obligatoire sur la part Sécu pour les actes de garde est perçue comme un petit pas. « C’est une revendication de longue date », explique le Dr Duquesnel, « mais on est à mi-chemin ». Pour ces actes précis, les syndicats demandent le tiers payant intégral afin de jouer à armes égales avec les services d’urgences. « Cela fait quinze ans que je demande dans ma maison médicale de garde intercommunale d’être reconnu comme un établissement pour pouvoir appliquer le tiers payant intégral », s’agace le patron de la FMF.
Méconnaissance de la médecine de ville
Agnès Buzyn devra aussi préciser ses intentions si elle veut gagner le soutien des maisons de santé. « Les annonces sont tombées comme ça et on attend de savoir ce qu’il y a derrière », avance prudemment le Dr Pascal Gendry, président de la Fédération française des maisons et pôles de santé (FFMPS). Le généraliste mayennais veut « se poser et réfléchir avec les différents acteurs » afin de définir « clairement les rôles de chacun et garantir au mieux les conditions d’accueil des patients ». Celui-ci est prêt à s’engager mais estime qu’il reste encore du travail « avec le ministère, avec la CNAM et avec les urgences pour que chacun trouve sa place ».
Beaucoup plus sévère, l’Union française pour une médecine libre Syndicat (UFML-S) dénonce une « méconnaissance de la médecine de ville » de la part du ministère. « Rappelons que suite aux baisses tarifaires successives (...), les laboratoires se sont restructurés, faisant disparaître les laboratoires de proximité remplacés par des centres de prélèvements », écrit le syndicat du Dr Jérôme Marty. Impossible d’appliquer la mesure consistant à offrir aux médecins libéraux et aux maisons de santé la possibilité de pratiquer directement certains examens de biologie dite « délocalisée ». « Le plan Buzyn envisage-t-il de remailler le territoire en biologie performante ? Aucune précision sur ce sujet », ironise le syndicat.
Quant au tiers payant, le jeune syndicat estime que la gratuité des soins aux urgences ne permet pas d'expliquer l'explosion de la fréquentation sachant qu’« elle existait déjà il y a 20 ans alors que le nombre de passages était moitié moins important ». « La difficulté de trouver un médecin présent et disponible à l'heure de la crise démographique est par contre une des causes de cette augmentation », écrit l'UFML-S.
Pas de dialogue social
À l’hôpital, cette fois, les syndicats de praticiens hospitaliers (PH) condamnent le fond et la forme. « Ce sont de beaux effets de manche et ça sera pareil le 9 septembre », prédit le Dr Renaud Péquignot, vice-président d’Action praticiens hôpital (APH). « C’est bien beau de vouloir faire entrer les personnes âgées directement dans les services de gériatrie mais encore faut-il qu’il y ait des lits », poursuit le chef du service de médecine et réadaptation des Hôpitaux de Saint-Maurice (Val-de-Marne). Comme les libéraux, le gériatre fustige l’absence de moyens supplémentaires accordés. « La ministre ne veut pas rajouter de personnel ou payer plus les gens donc on aura toujours des postes vacants et on n’y arrivera pas », se désole le Dr Péquignot.
[MISE A JOUR, vendredi 6 septembre] Même constat pour le Syndicat national des praticiens hospitaliers anesthésistes-réanimateurs élargi (SNPHARe) qui exige « des moyens financiers conséquents, comprenant une révision de la tarification de l'activité réalisée aux urgences ». Le syndicat membre d'APH réclame l'arrêt des fermetures de lits, une augmentation du nombre de médecins et des salaires notamment via la revalorisation des indemnités de garde et le dégel du point d'indice.
C’est la méthode même qui met en colère le Dr Rachel Bocher, présidente de l’Intersyndicat national des PH (INPH). Celle-ci regrette de n’avoir été « ni écoutée, ni concertée » avant l’annonce de ce qu’elle qualifie de « petites mesures ». Le chef du service de psychiatrie au CHU de Nantes juge « inimaginable » de réformer les urgences « sans travailler avec tous les acteurs de l’hôpital ». Et de recadrer : « La méthode ne va pas. »
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