C’est un millésime qui ne restera pas dans les annales. Et à quelques jours de l'ouverture des négociations conventionnelles, l’évolution des bénéfices 2019 des médecins libéraux risque de relancer les revendications en matière de revalorisations d'honoraires. Tour d'horizon d'un cru très moyen.
Les généralistes : le rebond… grâce à la ROSP
Pour les généralistes, la hausse du revenu imposable (+3,7 %) est plutôt une bonne surprise, au regard du contexte épidémiologique et tarifaire qui laissait présager le pire. Selon le bilan de la CNAM à fin décembre 2019, les remboursements de médecine générale avaient même chuté de 0,6 % l’an passé. Deux explications : une activité stable en volume, en raison d’une épidémie de grippe courte cet hiver-là, et une panne de revalorisations directes (alors que les exercices antérieurs avaient été dopés par la hausse du tarif de la consultation de référence de 23 à 25 euros à partir de mai 2017).
En réalité, si les généralistes s’en sortent honorablement, c'est grâce aux versements forfaitaires. De fait, si l'on intègre les modes de rémunération alternatifs (ROSP, majorations médecin traitant, forfait structure), les remboursements de médecine générale s'affichent cette fois en hausse de 3,5 % (peu ou prou la progression des recettes 2019). De fait, les médecins de famille ont touché l’an passé (avril) 4 915 euros en moyenne au titre de la ROSP adulte, en progression de 6,4 %. Parallèlement, le forfait structure (renforcé) avait été plus généreux, avec un bonus moyen de 2 491 euros, contre 1 449 euros un an plus tôt. De quoi réconcilier un peu la discipline avec ces forfaits, après la déception du printemps 2018. Enfin, des mesures ciblées applicables aux généralistes ont pu jouer à la faveur de l'avenant 6 comme l'élargissement du champ de la VL à 60 euros ou quelques (rares) consultations complexes.

En revanche, l'impact du remboursement des téléconsultations depuis le 15 septembre 2018 reste sans doute modeste sur les revenus 2019 : moins de 2 000 médecins pratiquaient la téléconsultation au bout d'un an – l'explosion ayant eu lieu en 2020 dans le contexte exceptionnel du confinement.
Côté charges enfin, c’est une année sage pour la discipline, consécutive à un exercice 2018 médiocre (revenus en baisse de 0,9 %). Les généralistes de l’UNASA ont converti 57,9 % de leur chiffre d’affaires en bénéfice contre 57,3 % en 2018. Cette modération des frais explique aussi que la progression de leur BNC (+3,7 %) soit supérieure à celle des recettes (+3 %), alors que l'inflation a été de 1,5 %.
La majorité des spés dans le rouge
Par contraste, les autres spécialistes libéraux font la grimace. S’il n’y a pas de baisses record en 2019, 14 spécialités terminent dans le rouge ou avec une croissance zéro ! Et seule une demi-douzaine (hors MG et remplaçants) affiche un BNC en progression. La contre-performance est sérieuse au regard de l’exercice 2018 lorsque la quasi-totalité des disciplines étaient dans le vert, avec des hausses souvent très supérieures à 3 %.
Ce piètre exercice tient d'abord à la quasi-absence de revalorisations uniformes. Certes, quelques nouvelles consultations complexes (46 euros) et très complexes (60 euros) applicables depuis février 2019 ont pu soutenir l'activité de cliniciens (pédiatres, dermatologues, endocrinologues, etc.), mais ces majorations ciblées ne compensent pas le gel des nomenclatures. Quant à la revalorisation de l'avis ponctuel de consultant (APC, ex-C2), de 48 à 50 euros en juin 2018, elle était déjà pour moitié dans les comptes pour les spécialités concernées. Autre constat : l’introduction timide des forfaits ne modifie guère la rémunération des spécialistes aujourd'hui. Pour les rares à bénéficier de la ROSP, l'effet reste modeste (2 146 euros par cardiologue, 1 405 euros par gastroentérologues en 2019).
Un facteur supplémentaire de modération a joué sur les honoraires : le taux de dépassement des médecins spécialistes en secteur II sur l’année 2019 plafonne à 48,2 %, en baisse de 0,6 point par rapport à 2018, révèle la CNAM au « Quotidien ».
Au total, si les remboursements de médecine spécialisée progressent encore en 2019 (2,7 % selon la CNAM), l'évolution du poste reste moins rapide que les années antérieures – une décélération favorisée par la stabilité des volumes de consultations à 0,9 % même si les actes techniques, eux, évoluent plus rapidement.
Mais surtout, après une solide année 2018, nombre de spécialités ont subi en retour une forte hausse des charges (personnelles, impôts et taxes) qui grignotent le résultat 2019. La remarque vaut pour la quasi-totalité des spécialités de l’échantillon de l’UNASA qui connaissent une évolution plus péjorative de leur bénéfice par rapport à leurs recettes. L'impact est significatif pour la gynécologie médicale (recettes stables mais chute de 4,3 % du BNC), la cardiologie (honoraires en hausse, revenu en berne) ou la chirurgie générale dont le revenu s'érode, malgré un chiffre d'affaires en hausse de plus de 3 %…
Jusqu’à quatre fois plus d’antibiotiques prescrits quand le patient est demandeur
Face au casse-tête des déplacements, les médecins franciliens s’adaptent
« Des endroits où on n’intervient plus » : l’alerte de SOS Médecins à la veille de la mobilisation contre les violences
Renoncement aux soins : une femme sur deux sacrifie son suivi gynécologique