Par Patrick Ferrer
L’institut médico-légal est situé en bord de Seine. Les rives du fleuve ont toujours fait partie de l’édifice, les eaux boueuses lui ayant de tout temps apporté sa moisson de noyés et les corps acheminés par voie fluviale à l’époque où les réfrigérateurs n’existaient pas.
Elle lui avait donné rendez-vous dans le parc jouxtant le bâtiment de brique. Elle arriva avec un peu de retard, engoncée dans le tailleur étroit qu’elle semblait porter en toutes circonstances.
– Je suis désolée, l’autopsie a été plus longue que prévu.
Ses joues avaient une teinte rose comme si elle avait couru. Elle avait défait ses cheveux qui cascadaient autour de son visage. C’était la première fois qu’il la voyait sans son chignon et l’effet n’était pas déplaisant. Comment avait-il pu la trouver ordinaire ?
– Vous en faites beaucoup ?
– Assez peu, à vrai dire. Vous savez, tant qu’on est en études, la plupart de nos clients sont encore en vie. On se fait une idée un peu romantique de la chose, mais je passe plus de temps à établir des certificats d’aptitude à conduire qu’autre chose.
« Romantique » ? Le mot le fit sourire.
– On m’a dit que vous aviez passé votre épreuve finale.
– Oui. Ce dernier cas m’a bien aidé. Merci de m’avoir permis…
Ses joues rosirent encore et elle laissa la phrase en suspens. Desjoux se sentit vaguement gêné.
– Heu… oui, en fait, vous avez fait du très bon boulot, mademoiselle Bourdin. Je m’excuse si je vous ai un peu…
– Amélie, commissaire. Non, au contraire. Un esprit sceptique, c’est très stimulant. Alors, vous avez coincé le coupable ?
– C’est-à-dire… hum…
– Je suis sotte ! Vous ne pouvez pas en parler tant que l’enquête est en cours. Mais bon, on sait déjà qu’il est entraîné au tir à distance et qu’il connaissait bien la victime, je dirais intimement. Ça ne devrait pas être très compliqué.
– Tir à distance ?
– Oui, votre homme est un habitué des stands de tir. La victime a été tuée d’une seule balle qui a traversé le cœur. À plus d’un mètre cinquante de distance, peu de gens sont capables d’un tel degré de précision. Surtout avec une arme de poing. Il n’y avait pas de traces de lutte chez la victime, donc elle était consentante et à poil dans son lit. Et vous avez la piste du matelas.
– Je ne…
– Il a été obligé de le cacher quelque part ! Imaginez, un matelas plein de sang avec un trou au milieu ! Il ne pouvait pas appeler les encombrants.
– Oui, bien sûr. Et vous êtes certaine que c’est un homme ?
Elle le regarda bizarrement.
– Vous en connaissez beaucoup, des femmes qui auraient pu porter le corps jusqu’au cinquième étage ?
Cette fille ne comprenait rien aux méandres du pouvoir. Ce n’était pas de sa faute, elle ne mesurait pas les enjeux. Elle allait les mettre dans une merde noire et il ne savait pas comment lui faire comprendre. Il aurait voulu se réveiller soudainement en se disant que tout cela n’était qu’un mauvais rêve. Le métro aérien passa à l’horizon, une flèche verte et blanche entre les arches graciles du viaduc flottant au-dessus de la Seine.
– Amélie ?
– Oui.
– Il faut me promettre de ne parler de cette histoire à personne. Et surtout de vos… théories. Ça peut être… dangereux.
S’il avait espéré l’impressionner, il se rendit rapidement compte de son erreur. Amélie laissa échapper un petit cri de joie, se leva brusquement et esquissa un pas de danse, les bras levés au ciel.
– Je le savais ! C’est un flic, n’est-ce pas ? Quelqu’un de haut placé ?
Desjoux se prit la tête entre les mains. S’il amenait cette fille devant le procureur, sa carrière était foutue.
Avec la collaboration de
Article précédent
L’épreuve du matelas (6)
Perdu (5)
Tempête au 36 (3)
La théorie des asticots (2)
Un colis embarrassant (1)
L’épreuve du matelas (6)
Rendez-vous au Frigo (4)
DJ et médecin, Vincent Attalin a électrisé le passage de la flamme olympique à Montpellier
Spécial Vacances d’été
À bicyclette, en avant toute
Traditions carabines et crise de l’hôpital : une jeune radiologue se raconte dans un récit illustré
Une chirurgienne aux nombreux secrets victime d’un « homejacking » dans une mini-série