Vous avez porté la voix d’Emmanuel Macron sur les sujets santé tout au long de la campagne présidentielle. Quelles seront les premières mesures de ce nouveau quinquennat ?
Dr François Braun : Vous dire quelles seront les premières mesures serait prétentieux. Cela va dépendre, bien entendu, du gouvernement qui sera nommé et du ministre qui sera en charge de ce sujet. Mais nous avons essayé de démontrer pendant l’ensemble de cette campagne électorale que nous avons la volonté de transformer en profondeur notre système de santé pour qu’il soit plus efficace et qu’il réponde mieux aux enjeux, médicaux bien sûr mais surtout sociétaux.
Quels seront les objectifs de cette transformation ?
Dr F. B. : Aujourd’hui, nous avons clairement un système de santé basé sur l’offre de soins. Or la notion d’offre est par principe concurrentielle. Que ce soit entre l’hôpital et les cliniques, entre l’hôpital et la ville, en médecine de ville… Et finalement, on a vu que les prix ne diminuent pas mais la qualité, si. Il faut passer d’un système d’offre de soins à un système de réponse aux besoins de santé. Et, par définition, nous devons travailler ensemble. La santé doit rester un rôle régalien de l’État qui donne les priorités et met à disposition les outils, mais c’est au niveau local qu’il faut laisser les gens s’organiser. Et il faut intervenir très vite et très fort pour ensuite avoir la possibilité de construire derrière, comme le principe du damage control pour les blessures de guerre.
Pendant la campagne, on a beaucoup parlé de redonner du temps aux soignants. Pourtant, des dispositifs comme les assistants médicaux ne connaissent pas le succès attendu par le gouvernement.
Dr F. B. : Il y a une désaffection majeure du métier de soignant à tous les niveaux. Est-ce un effet post-Covid ? Je n’en sais rien mais il y a une crise. Je ne fais pas de distinction entre la ville et l’hôpital. Il faut redonner du temps aux soignants, simplifier la partie administrative, etc. Car cela ne leur permet pas de prendre plus de patients mais aussi parce que ça les détourne totalement de l’essence même de leur métier. Pour l’hôpital, il faut poursuivre les avancées du Ségur et repartir sur la base des discussions pour corriger les éventuels trous dans la raquette. Pour la ville, il faut s’intéresser aux zones sous denses mais elles sont quasiment partout. Sur les assistants médicaux, il faut simplifier la procédure. Et, plus globalement, les généralistes disent non car c’est une galère pour avoir des assistants médicaux, une galère pour se mettre en CPTS, une galère pour les maîtres de stage pour accueillir des étudiants… Il faut libérer nos collègues libéraux de toutes ces contraintes administratives.
Un manque de concertation est souvent pointé concernant les délégations de tâches et transferts de compétences. Prévoyez-vous un changement d’approche ?
Dr F. B. : Il faut poser clairement sur la table la question des délégations de tâches et de compétences entre professionnels et ne pas négocier profession par profession. Il faut avoir une discussion à deux niveaux : scientifique sur les bénéfices et les risques, et avec les représentants syndicaux des professionnels sur le côté financier. Nous allons également continuer le déploiement des IPA. Il faut aussi valoriser la garde pour la permanence des soins qui devient une obligation collective. La revalorisation n’a pas les effets attendus pour l’instant, il faut aussi voir au niveau local. Le médecin traitant doit conserver son rôle de chef d’orchestre, son rôle de coordonnateur. Mon espace santé va être un outil remarquable puisque chaque professionnel de santé va le renseigner pour le patient.
Verra-t-on la mise en place de la 4e année de DES de médecine générale dans les prochaines semaines ?
Dr F. B. : Cette 4e année de DES de médecine générale est nécessaire en termes de formation et est réclamée par les étudiants. Il faut l’installer correctement, sinon ce sera un échec. Et, pour l’enseignement, il faut des mesures à plus long terme, comme favoriser la réalisation de stages dans les territoires sous-denses. Il faut des maîtres de stage, des enseignants…
Comment anticipez-vous les années où la crise de la démographie sera passée, par exemple ?
Dr F. B. : La question pour le long terme porte sur quels seront les métiers de demain ? Car effectivement, avec le numerus apertus, l’augmentation du nombre de places dans des filières comme celle des infirmiers, il va y avoir des évolutions des métiers de soignants, avec plus de prévention, de prises en charge de personnes âgées… Nous voulons avoir une réflexion avec l’ensemble des partenaires sur les besoins et les métiers dans 20 ans. Car les médecins dont on aura besoin dans 20 ans, on commencera à les former dans 5 ans.
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