Éditorial

Covidés

Publié le 27/11/2020

Crédit photo : DR

Le thème de notre congrès 100 % virtuel, « Tabagisme : le début de la fin », évoque la fin du tabac, prévue au cours de ce siècle avec une première génération d’adultes sans tabac annoncée pour 2032 (1). Mais l’actualité sanitaire se consacre désormais majoritairement à l’évolution de l’épidémie de Covid-19, la morbimortalité liée à l’infection et ses conséquences sur le fonctionnement de notre système de santé.

Pourtant, le contexte de la politique de lutte contre le tabagisme est marqué par des indicateurs inquiétants relevés durant le premier confinement : une forte augmentation des ventes de tabac à rouler et ce, jusqu’au mois de juillet 2020, d’après les données de l’Office français des drogues et des toxicomanies, ainsi qu’une augmentation de la consommation de cinq cigarettes par jour chez les consommateurs quotidiens de tabac, selon une enquête de Santé publique France. En outre, la crise économique et sociale majeure, qui a débuté, va augmenter la précarité tout en mettant à mal le système de financement de la protection sociale et donc, de notre système de santé.

Sur le terrain, une part notable du temps de consultation en tabacologie est consacrée depuis quelques mois à expliquer que la consommation de tabac n’est pas une mesure préventive de l’infection à Covid-19 (lire ci-contre). Les hypothèses de recherche largement relayées dans la presse à partir de données observationnelles sur la faible prévalence tabagique des fumeurs hospitalisés pour l’infection à Covid-19 ne constituent pas des éléments solides méthodologiquement pour une décision de santé publique.

Il nous manque déjà des données sur la prévalence de l’infection à Covid-19 en population générale incluant les données sur la consommation de tabac actuelle ou passée. Pour les malades hospitalisés pour Covid-19, la métaanalyse la plus récente de Reddy R et al., qui a inclus 47 articles, tend à démontrer que le tabagisme actuel et les antécédents de tabagisme augmentent significativement la gravité du Covid-19 (2). Enfin, plusieurs maladies chroniques liées au tabac augmentent le risque de Covid-19 grave, quel que soit le statut tabagique actuel : BPCO, maladies cardiovasculaires et cérébrovasculaires.

Les messages de santé publique doivent donc être renforcés dans les mois à venir pour encourager les fumeurs dans leurs tentatives d’arrêt, notamment les malades du tabac et les personnes en situation sociale difficile. Notre congrès fera le point des connaissances actualisées lors d'une session Tabac et Covid-19, de ce que l’on sait et ce que l’on ignore et avec de nombreuses communications sur ce thème, notamment les effets du confinement sur la consommation de tabac.

Deux sessions seront consacrées à la cigarette électronique : l’une portant sur les publications françaises et la seconde, sur des aspects pratiques de son utilisation. Deux sessions sur « Tabac et maladies cardiovasculaires », l’une organisée avec la Société française de cardiologie et la seconde avec la Société française de médecine vasculaire. La session commune préparée en lien avec la Société de pneumologie de langue française permettra notamment de conclure sur les pneumopathies Evali, très médiatisées fin 2019 et liées au détournement de l’usage de la cigarette électronique par l’utilisation de liquides toxiques, souvent achetés dans la rue et responsables des pneumopathies sévères.

Les résumés figurant dans ce dossier du Quotidien illustrent la richesse des thèmes abordés et le rôle majeur du tabac en médecine ainsi que l’intérêt de la prise en charge systématique de l’aide à l’arrêt par les médecins. La SFT propose à cet effet le MOOC Tabac : « Arrêtez comme vous voulez ! » (3).

Présidente de la Société Fraçaise de Tabacologie

(1) https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/180702-pnlt_def.pdf

(2) Reddy R, Charles W, Sklavounos A et al. The effect of smoking on Covid‐19 severity: a systematic review and meta‐analysis. J Med Virol. 2020:1–12. doi: 10.1002/jmv.26389

(3) https://www.fun-mooc.fr/courses/course-v1:USPC+37021+session02/about

Dr Anne-Laurence Le Faou

Source : Le Quotidien du médecin