Anévrysme de l’aorte abdominale, un risque à prendre en charge

Une « nouvelle » maladie du tabac

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Publié le 27/11/2020
Le tabagisme est le premier facteur de survenue d’un anévrysme de l’aorte abdominale, et son arrêt a fait ses preuves en prévention. D’où l’intérêt d’un dépistage précoce.
L’arrêt du tabac a un effet significatif relatif sur la survenue, la progression et le risque de rupture de l’anévrysme

L’arrêt du tabac a un effet significatif relatif sur la survenue, la progression et le risque de rupture de l’anévrysme
Crédit photo : phanie

Fumer multiplie par cinq le risque relatif d’avoir un anévrysme de l’aorte abdominale (AAA), alors que l’hypertension artérielle le multiplie par 1,6 et l’hypercholestérolémie, par 1,4 : le tabagisme est le principal facteur associé à la survenue d’un AAA et à son évolution. Ce risque existe dès une faible consommation de tabac et même pour une exposition à un tabagisme passif ! « L’effet du tabac passe par des phénomènes inflammatoires, une raréfaction des cellules musculaires lisses, une lyse des fibres élastiques ainsi que par une probable interaction du tabac avec un variant génétique », détaille le Pr Daniel Thomas, cardiologue et porte-parole de la Société francophone de tabacologie.

Pas de meilleur traitement que le sevrage

Les études sont très claires : seul l’arrêt du tabac a un effet significatif relatif sur la survenue, la progression et le risque de rupture de l’AAA, alors que cela n’a pas été démontré avec les IEC, les bêtabloquants, les statines, etc.

Si le sevrage est impératif et prioritaire, il doit bien entendu être adapté au contexte. « Dire à un patient : "vous avez une bombe dans l’abdomen" va peut-être l’aider à prendre conscience du danger s’il est vraiment inconscient mais, s’il est déjà d’un tempérament anxieux, cela risque surtout de l’angoisser sérieusement et d’être contre-productif dans sa démarche d’arrêt. L’enjeu doit être clairement et fortement annoncé au patient, mais cela ne suffit pas. Il est impératif d’augmenter en parallèle au maximum ses chances de succès, en utilisant les aides au sevrage ayant fait la preuve de leur efficacité (substituts nicotiniques, varénicline, thérapies cognitivocomportementales) et ne pas hésiter si besoin à l’adresser à un tabacologue », poursuit le Pr Thomas.

Élargir le dépistage aux femmes ?

Les recommandations européennes les plus récentes préconisent de dépister l’AAA par échographie chez tous les fumeurs et ex-fumeurs de plus de 65 ans, hommes ou femmes.

En revanche, la France a choisi de restreindre ce dépistage aux hommes de 65 à 75 ans, sachant qu’ils sont cinq fois plus touchés que les femmes dans cette tranche d’âge, ou aux hommes de 50 à 75 ans ayant des antécédents familiaux d’AAA. « Élargir ce dépistage opportuniste aux femmes serait une approche certainement payante si l’on considère l’augmentation de l’incidence des AAA chez les Françaises, en raison de l’évolution particulière de leur tabagisme », souligne le Pr Thomas.

Chez les patients sevrés, le risque de survenue d’un AAA décroît progressivement, mais demande tout de même 25 ans pour rejoindre celui de personnes n’ayant jamais fumé. Il est donc plus pertinent et plus intéressant de dépister l’AAA chez des patients plus jeunes, qui n’ont pas eu le temps de développer un anévrysme important, d’où le fait que le dépistage ne soit pas préconisé au-delà de 75 ans.

Il faut être réaliste : si l’AAA retrouvé est d’une taille supérieure à 50 mm, il y a une indication à la chirurgie car le risque de rupture est trop important (et, en cas de rupture, le taux de mortalité est de 90 %). « C’est un argument supplémentaire en faveur de l’intérêt d’un dépistage opportuniste précoce chez les fumeurs : en effet, le diagnostic d’AAA à un stade précoce, même en l’absence de critères en faveur d’un traitement interventionnel, renforce l’intérêt d’un sevrage tabagique qui, engagé le plus tôt possible, va permettre d’avoir une efficacité optimale sur l’évolution », conclut le Pr Thomas.

Entretien avec le Pr Daniel Thomas, cardiologue et porte-parole de la Société francophone de tabacologie

Dr Nathalie Szapiro

Source : Le Quotidien du médecin