L’ASPIRINE A longtemps été le seul traitement antiplaquettaire des syndromes coronaires aigus et était déjà responsable d’une réduction du risque relatif de 20 % d’événements cliniques. Puis les nouveaux antiplaquettaires apparurent : le clopidogrel, le prasugrel et plus récemment, le ticagrelor. Ce dernier n’est pas, comme les deux autres, une thiénopyridine ; c’est le premier de la classe des cyclo-pentyl-triazolo-pyrimidines.
Qu’est ce qui différencie ces médicaments entre eux ? « Tout d’abord, leur mode d’action, répond le Pr Émile Ferrari. L’action antiplaquettaire du clopidogrel et du prasugrel est irréversible, ce qui n’est pas le cas pour le ticagrelor ; c’est une différence fondamentale. » En outre, les deux premiers produits sont des prodrogues. Le clopidogrel doit subir de nombreuses étapes métaboliques pour être efficace, ce qui explique partiellement qu’environ un patient sur quatre lui est résistant, les individus concernés étant dans l’impossibilité de le métaboliser correctement. Le prasugrel, quant à lui, ne doit subir qu’une seule étape hépatique pour libérer son principe actif. Enfin, le ticagrelor est directement actif et ne devrait pas, théoriquement, engendrer de résistances. On peut également dire que le prasugrel et le ticagrelor sont efficaces suffisamment rapidement, y compris dans la prise en charge du syndrome coronaire aigu en urgence, pour éviter l’ajout d’autres médicaments.
La puissance antiplaquettaire.
« Ce qui intéresse le thrombologue, l’urgentiste, le cathétériseur qui prennent en charge le syndrome coronaire aigu, c’est la puissance antiplaquettaire des médicaments, insiste le Pr Ferrari. Or, si on compare les trois médicaments, le ticagrelor est beaucoup plus rapidement efficace dans l’heure ou les deux heures suivant son administration et, surtout, son effet est permanent et plus homogène. »
L’AMM du prasugrel repose sur l’étude TRITON qui a inclut plus de 13 600 patients en phase aiguë d’un IDM, avec ou sans sus-décalage du segment ST et nécessitant tous une angioplastie.
Ces patients, qui ont tous reçu de l’aspirine, ont été randomisés en un bras prasugrel et un bras clopidogrel. À 15 mois, les résultats sont en faveur du prasugrel, puisqu’il entraîne une réduction significative des événements ischémiques. Le taux de thromboses de stent est lui aussi réduit de 52 %, quel que soit le type de stent (nu ou actif). Une des limites de cette étude est que la randomisation des patients s’est faite après réalisation de la coronarographie, donc au moment de l’angioplastie ; ceci est probablement en défaveur du clopidogrel dont le délai d’efficacité est plus long que celui du prasugrel.
L’étude princeps pour le ticagrelor est l’étude PLATO. Elle visait à comparer le ticagrelor au clopidogrel pour la prévention des événements cardiovasculaires des patients hospitalisés pour un syndrome coronaire aigu, avec ou sans sus-décalage du segment ST. Elle a concerné plus de 18 600 patients avec IDM, randomisés entre clopidogrel et ticagrelor, tous les patients recevant également de l’aspirine. À 1 an, la réduction du nombre d’événements ischémiques est en faveur du ticagrelor. Toutefois, les résultats sont à relativiser car les doses de charge de clopidogrel étaient assez hétérogènes (300 à 600 mg). À signaler que selon l’étude PLATO, le bénéfice du ticagrelor ne s’accompagne pas d’un surrisque hémorragique. Mais il est difficile de savoir quelle dose de clopidogrel avaient finalement reçu les patients, certains ayant déjà reçu une dose de charge de 600 mg avant randomisation.
Chez les patients présentant un syndrome coronaire aigu, ST- ou ST+ , les auteurs de l’étude PLATO considèrent que le traitement par ticagrelor, en comparaison au clopidogrel, réduit significativement le taux de décès d’origine vasculaire, d’IM ou d’AVC sans augmenter le taux global d’hémorragies majeures. Il augmente cependant le taux d’hémorragies non liées à une intervention. En outre, ils observent une différence significative en faveur de ticagrelor chez les patients en insuffisance rénale.
Certaines données de l’étude PLATO semblent négatives pour le ticagrelor. En effet, on s’est aperçu que ce médicament était moins bénéfique dans la population nord-américaine. « Si une interprétation peut être émise, précise le Pr Ferrari, c’est probablement parce que les doses d’aspirine utilisées en traitement au long cours étaient très fortes (300 mg) par rapport aux doses administrées en Europe (75 mg). D’où la recommandation française de ne pas utiliser des doses supérieures à 150 mg en association avec le ticagrelor. On observe également à partir de l’étude PLATO, une baisse très significative de la mortalité cardiovasculaire et de la mortalité globale. Le mécanisme exact reste à démontrer. »
Communication du Pr Émile Ferrari (Nice)."Similitudes et différences des antiagrégants plaquettaires" . Symposium organisé avec le concours d’Astra Zeneca .
(1) Montalescot G et al. Lancet 2009 ; 373:723-731
(2) Wallentin L et al. N Engl J Med 2009 ; 361:1045-1057
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