« L’efficacité des statines sur les événements cardiovasculaires majeurs n’est plus à démontrer. Globalement en prévention primaire ou secondaire, il existe une relation linéaire entre la réduction absolue du LDL-C et du risque cardiovasculaire à 1 an (1). Une réduction de 1 mmol/l de LDL-C est associée à une réduction relative de 20 % des événements cardiovasculaires à 1 an. Néanmoins, le bénéfice en valeur absolue est majeur en prévention secondaire. Il est deux fois supérieur à celui obtenu en prévention primaire », souligne le Pr Michel Farnier (Dijon). Et, dans le haut risque, « lower is better » : « les traitements agressifs testés en post-infarctus (PROVE-IT, ACS) et dans la maladie coronaire stable (TNT, ISAR), ciblant un LDL-C inférieur à 0,75 g/l versus 1 g/l permettent en effet de réduire d’encore 16 % supplémentaires le risque d’infarctus et décès coronaires (2)», précise-t-il.
Des recommandations claires.
Résultat, les recommandations européennes sur les dyslipidémies (Eur Heart J 2 011) et sur le risque cardiovasculaire (Eur Heart J 2 012) préconisent aujourd’hui un LDL-C inférieur à 0,7 g/l ou une réduction d’au moins 50 % du LDL-C initial dans le très haut risque. À savoir : lors de maladie cardiovasculaire, de diabète avec atteinte d’organe, de diabète de type 2 passés 40 ans associé à un autre facteur de risque et globalement pour un risque (score) supérieur à 10 %. La cible de LDL-C de 1 g/l étant réservée au risque intermédiaire (score de 5-10 %) et celle des 1,15 g/l au risque modéré. Ces recommandations préconisent même de fortes doses dans les 4 premiers jours d’un infarctus… Tout en laissant la place pour les sujets fragiles à plus haut risque d’effets secondaires, dont le sujet âgé, de recourir à des doses plus faibles.
Peu de fortes doses dans la vraie vie.
« Or malgré tout, dans la vraie vie, moins de la moitié des patients à haut risque ont un LDL-C inférieur à 1 g/l et très peu sont à moins de 0,7 g/l, d’après la vaste enquête DYSIS menée en Europe et au Canada (3) » note le Pr Farnier. Pourquoi… ? « Les fortes doses restent sous-utilisées. Et l’adhérence au traitement est limitée. Même en prévention secondaire, 25 % des patients ont arrêté à 1 an bien qu’étant sous suivi du LDL-C (stratégie Treat to Target). L’adhérence est encore bien plus basse - 57 % à 1 an - en absence de suivi des LDL-C (stratégie Fire and Forget) »
Bénéfice à nuancer chez les femmes âgées.
« Nombre de questions restent néanmoins posées », selon le Pr Farnier. On n’a pas de vaste essai randomisé sur le bénéfice de la pré charge de statine dans l’infarctus. Nul ne sait s’il y a un bénéfice à garder longtemps les fortes doses en post-infarctus. Faut-il viser une cible chiffrée de LDL-C – une seule étude l’a testé – ou plutôt un pourcentage de baisse du LDL-C ? Difficile à dire. « Mais qu’il soit fixe ou relatif, nous avons besoin d’un objectif, vu le peu d’adhésion au traitement en "aveugle" (Fire and Forget) » souligne le Pr Farnier.
Enfin, reste le problème du rapport bénéfice risque dans divers sous-groupes notamment les sujets âgés, les femmes et les diabétiques.
« Chez les sujets âgés, une méta-analyse menée sur près de 20 000 sujets de 65-82 ans montre que le bénéfice du traitement par statine en prévention secondaire reste présent », résume le Pr Farnier Il est associé à une réduction de 22 % des événements cardiovasculaires à 5 ans (4). «En revanche il faut se méfier des fortes doses chez les femmes âgées ».
Chez les femmes, si la prévention secondaire par statine réduit les événements coronaires, le bénéfice n’est pas significatif, malgré une tendance favorable, sur les AVC ni sur la mortalité totale (5). Sûrement en raison de la majoration des effets indésirables des fortes doses chez les femmes âgées. Quant au diabète, les fortes doses en majorent le risque, surtout en présence de facteurs de risque du syndrome métabolique (6) mais sans obérer le bénéfice cardiovasculaire. « Il faut néanmoins rester prudent chez les femmes âgées présentant un syndrome métabolique. »
Effets secondaires et dose tolérable.
« On ne peut pas nier l’existence d’effets secondaires musculaires et tendineux. Leur risque augmente avec la puissance de la statine comme le montre l’analyse de la base de pharmacovigilance de la FDA sur les données 2005-2011. Il va décroissant, de la rosuvastatine, à l’atorvastatine, à la simvastatine, à la pravastatine/fluvastatine (risque quasi similaire) (7) », souligne le Pr Farnier. On n’a en revanche pas de signal sur les effets délétères d’un taux très bas de LDL-C. Des essais en cours devraient venir bientôt le confirmer. Quant à « la gestion des effets secondaires, plutôt que d’arrêter, mieux vaut essayer de diminuer la dose et/ou changer de statine. Les intolérances totales aux statines sont très rares. En outre on peut parfois utiliser les statines à demie vie longue, comme l’atorvastatine en 2-3 prises par semaine, à la recherche de la dose minimale tolérable. Sans oublier de faire appel aux stratégies complémentaires y compris hygiénodiététiques. L’objectif étant ne pas garder un LDL-C au plafond » conclut le Pr Farnier
D’après l’intervention du Pr Michel Farnier - Pourquoi prescrire des statines en prévention secondaire ? Séance à thème : Cholestérol que répondre à nos patients.
(1) Lancet 2005;366:1267-76
(2) JACC 2006;48:438
(3) Eur J Prev Cardiol 2012; 19:221-230
(4) JACC 2008;51:37-45
(5) Arch Inter Med 2012;172;909-19
(6) JACC 2013, 61;148-52
(7) PloS One 2012; 7(8): e 42866
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