Les diabétiques meurent avant tout du cœur, et moins des complications directes de leur diabète. Ceci est parfaitement net dans le registre du Dakota du Nord où les maladies cardiovasculaires sont responsables de 49 % des décès chez les diabétiques alors que le diabète en lui-même de seulement 15 %.
Il y a donc une prépondérance nette des malades liées à l’athérothrombose, dans laquelle les plaquettes jouent un rôle majeur. « Or l’aspirine (ASA) marche mal chez les diabétiques, ceci a bien été montré dans de très nombreux essais de prévention primaire », a rappelé le Pr Philippe-Gabriel Steg (hôpital Bichat, Paris). Il n’y a pas d’effet significatif de l’aspirine sur les décès cardiovasculaires et seule une interaction avec le sexe a été mise en évidence, toutefois très débattue : il y aurait une réduction modérée du risque chez les hommes mais pas chez les femmes. Parallèlement, l’ASA est associé à une augmentation du risque hémorragique (multiplié par un facteur 2,5) et des symptômes digestifs (5 fois plus fréquents).
De ce fait, les recommandations sont très partagées, entre les Américains (AHA et ADA) qui préconisent l’ASA sur la base d’un consensus d’expert, et à l’inverse les Européens (ESC et EASD) qui ne la préconisent pas. Les résultats de deux essais cliniques prospectifs en cours (ASCEND et ACCEPT-D) devraient apporter de nouveaux éléments de réponse à cette question.
La mauvaise efficacité de l’ASA chez les diabétiques s’explique par divers mécanismes : le caractère collant des plaquettes, qui découle de facteurs complexes et multiples, mais aussi leur turn-over accéléré. Après contact avec l’ASA, les plaquettes sont définitivement inhibées, mais en cas de prise unique quotidienne, de nouvelles plaquettes apparaissent dans le plasma en quelques heures. L’administration de deux prises quotidiennes pourrait être intéressante, comme le suggèrent des travaux récents.
Syndrome coronaire aigu
Qu’en est-il des autres antiaggrégants plaquettaires ? « L’étude CAPRIE a montré que le clopidogrel est marginalement supérieur à l’ASA », a rappelé le Pr Steg. Dans le syndrome coronaire aigu (SCA) sans surélévation de ST, l’association ASA-clopidogel est supérieure à l’ASA seule, et ce chez les diabétiques comme chez les non diabétiques. Cependant, l’effet pharmacologique du clopidogrel est réduit chez les diabétiques et chez les sujets ayant un syndrome métabolique. D’autres inhibiteurs du P2Y12 ont été testés dans le SCA. Dans l’essai TRITON, le prasugrel a permis de réduire de 10 % les événements coronaires comparativement au clopidogrel, mais au prix d’une augmentation d’un tiers des hémorragies. Mais l’essai TRILOGY a, lui, conclu à l’absence de supériorité du prasugrel versus clopidogrel.
Autre inhibiteur du P2Y12 : le ticagrelor, qui n’est pas une prodogue mais est directement actif. Les essais ONSET et RESPOND ont montré qu’il a un effet plus constant que le clopidogrel. L’étude PLATO, versus clopidogrel, a montré la supériorité du ticagrelor avec un effet concordant que le patient soit ou non diabétique et sans excès d’hémorragie.
La durée de la bithérapie antiagrégante plaquettaire après angioplastie avec pose de stent est actuellement débattue. La durée standard est d’un an, mais l’essai DAPT présenté l’an dernier a souligné les bénéfices d’une bithérapie prolongée de 30 mois : nette réduction du risque de thrombose de stent et d’événement cardiovasculaire, au prix d’une augmentation de 1 % en valeur absolue du risque d’hémorragie sévère. Ces bénéfices semblent toutefois moins marqués chez les diabétiques.
Coronarien stable
Chez le coronarien stable, l’essai CHARISMA, qui comparait ASA seule et bithérapie ASA-clopidogrel, a été négatif. Une analyse a posteriori montre cependant que la bithérapie serait supérieure chez les patients en prévention secondaire, alors qu’elle serait plutôt délétère en prévention primaire chez le diabétique.
En prévention secondaire, on attend les résultats de l’essai PEGASUS, qui seront présentés dans quelques jours lors du congrès de l’American college of cardiology. Cette étude a inclus 20 000 patients ayant des antécédents d’infarctus du myocarde à haut risque, qui ont été randomisés pour recevoir, en plus de l’ASA, un placebo, du ticagrelor à dose standard (90 mg x2/jour) ou du ticagrelor à dose réduite (60 mgx2/jour).
Chez le diabétique coronarien sans antécédent d’infarctus, l’essai THEMIS va comparer l’association ASA-ticagrelor à l’ASA seule chez 17 000 patients. Les résultats seront connus dans au minimum 2 ans.
D’après la communication du Pr Philippe-Gabriel Steg, hôpital Bichat, Paris
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