Ces dernières années ont été marquées par l'arrivée de deux nouvelles classes d'antidiabétiques oraux : les agonistes du récepteur du GLP1 (arGLP1) et les inhibiteurs du cotransporteur sodium/glucose de type 2 (iSGLT2, ou gliflozines). Au-delà de leurs effets favorables sur la glycémie, le poids et la pression artérielle systolique, les iSGLT2 ont fait la preuve, dans trois études de sécurité cardiovasculaire (Emapreg-Outcome avec l'empagliflozine, Canvas avec la canagliflozine et Declare-Timi 58 avec la dapagliflozine) de leur impact positif sur le risque cardiorénal : réduction des événements cardiovasculaires majeurs et des hospitalisations pour insuffisance cardiaque et ralentissement de la progression de l'atteinte rénale. Ces résultats ont conduit à la commercialisation de cette nouvelle classe d'ADO dans de très nombreux pays, en Europe, en Amérique du Nord et en Asie, mais pas en France, et à une évolution l'an dernier des recommandations étasuniennes (ADA) et européennes (EASD). Un changement de paradigme puisque les deux sociétés savantes proposent désormais, après échec du traitement de première intention par la metformine, une stratégie basée sur le profil de risque cardiovasculaire et/ou rénal présenté par le patient, conférant une large place aux arGLP1 et aux iSGLT2.
Se faisant l'écho de ces nouvelles recommandations, et prenant en compte les effets indésirables des iSGLT2, la Société francophone du diabète (SFD) s'est attelée à la rédaction d'une prise de position sur l'évaluation du rapport bénéfices/risques des iSGLT2 (1). Cette classe d'ADO expose en effet à un risque accru d'infections génitales (X par 3 à 6) et urinaires (X par 1 à 1,5), facilement expliqué par le mécanisme d'action (majoration de la glycosurie avec effet diurétique osmotique). D'autres effets indésirables étaient moins attendus : acidocétose euglycémique (X 2), fractures (X 1,25 avec la canagliflozine), amputations (X 2 avec la canagliflozine), et gangrène de Fournier (cas très rares), qui ont conduit la FDA et l'EMA à faire signifier ces risques dans les RCP (résumé des caractéristiques du produit), tout en considérant toutefois que le rapport bénéfice/risque restait favorable.
Au terme de plusieurs mois de travail, le texte de la SFD a été publié en mars dernier, juste après l'avis de la Commission de transparence de la Haute Autorité de santé sur l'empagliflozine, rendu le 27 février dernier, concluant à un service médical rendu insuffisant et considérant qu'il y a « une perte de chance potentielle pour les patients de recevoir l'empagliflozine en lieu et place des alternatives disponibles » (2).
À l’inverse, se basant sur les études d'intervention, les études observationnelles et les bases de pharmacovigilance, les experts de la SFD ont estimé, tout en soulignant la nécessité de poursuivre une pharmacovigilance attentive, que le rapport bénéfices/risques des iSGLT2 « apparaît aujourd'hui hautement favorable » et que « la fréquence des effets indésirables rapportés ne devrait pas priver les patients diabétiques de type 2 Français à haut risque cardiovasculaire ou rénal de cette nouvelle option thérapeutique ».
Deux positions opposées, qui laissent les experts français perplexes.
D'après la communication du Pr Patrice Darmon, hôpital de la Conception, Marseille.
(1) Prise de position de la SFD: évaluation du rapport bénéfices/risques des inhibiteurs de SGLT2. Médecine des maladies métaboliques, vol 13, n° 2, mars 2019. https://www.sfdiabete.org/recommandations/referentiels
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