Traitement d’induction des MICI

Maintenir la dose standard d'adalimumab

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Publié le 03/07/2020
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Contrairement à ce qui était attendu, le recours à de fortes doses d’adalimumab en induction ne modifie par le taux de rémission clinique à court terme dans les maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI). Ces maladies bénéficient par ailleurs de l’élargissement de l’arsenal thérapeutique.
Des biothérapies souvent utilisées à doses plus élevées dans les MICI qu'en rhumatologie

Des biothérapies souvent utilisées à doses plus élevées dans les MICI qu'en rhumatologie
Crédit photo : Phanie

« Les posologies des biothérapies dans les MICI sont en général plus élevées que celles utilisées en rhumatologie », rappelle le Pr Laurent Peyrin-Biroulet (CHU de Nancy). Ainsi, lors du dépôt du dossier d’AMM de l’adalimumab dans les MICI, la FDA s’était interrogée sur la pertinence des posologies utilisées et avait demandé la conduite d'études afin d’en évaluer de plus fortes doses. Les résultats de ces essais, lancés il y a 7 ou 8 ans, ont été présentés en octobre dernier lors du congrès européen de gastroentérologie (UEGW). Ainsi, 514 patients avaient été inclus dans l’essai SERENE-MC mené dans la maladie de Crohn (MC) et 852 dans SERENE-UC réalisé dans la rectocolite hémorragique (RCH). Ces deux études contrôlées randomisées qui ont comparé un traitement d’induction à haute dose (160 mg à S0, S1, S2 et S3, 40 mg à S4 et S6, puis toutes les 2 semaines) à un traitement d’induction standard (160 mg à S0, 80 mg à S2, 40 mg à S6 puis toutes les 2 semaines).

Une dose d'attaque déjà adéquate

Aucune différence n’a été rapportée sur le critère principal (rémission clinique en intention de traiter à 4 semaines dans la MC et à 8 semaines dans la RCH) : 43% vs 44% dans la MC (p>0,999) et 13% vs 11 % dans la RCH (p=0,273). « Ces résultats ont surpris la communauté des spécialistes, qui pensait dans son ensemble que les doses standards étaient suffisantes dans la MC, mais trop faibles dans la RCH », rapporte le Pr Laurent Peyrin-Biroulet. Les taux sériques d’adalimumab étaient certes plus élevés avec la haute dose, mais sans véritable traduction clinique ou endoscopique.

« Un des premiers enseignements de ces études est que les patients que nous traitons depuis plusieurs années reçoivent la bonne dose d’attaque et que les programmes de développement avaient bien défini la posologie correcte , souligne le Pr Peyrin-Biroulet. Elles démontrent également que la concentration de médicament est associée au taux de réponse mais avec un effet plateau. Nous attendons désormais, courant 2020, les données à un an, qui permettront de préciser si un traitement d’attaque à plus forte dose a un impact à long terme ou non. En attendant, rien ne change dans nos pratiques ».

Vers des traitements en ambulatoire

Premier essai comparatif en face à face entre deux biothérapies dans la RCH, l’étude VARSITY démonstre la supériorité du védolizumab sur l’adalimumab. « Nous disposons désormais d’un vaste arsenal thérapeutique dans la RCH, avec 4 types de médicaments: anti-TNF, védolizumab (anticorps monoclonal ciblant une intrégrine), ustékinumab (anti-IL12 et 23) et tofacitinib (inhibiteur de janus kinase), rappelle le Pr Peyrin-Biroulet. Une bonne nouvelle pour les patients, mais un casse-tête pour les médecins car nous n’avons pas encore toutes les données pour positionner ces traitements les uns par rapport aux autres. Les résultats de plusieurs études, attendus cette année devraient nous éclairer ». Les stratégies devraient aussi évoluer avec l’arrivée des biosimilaires (infliximab, adalimumab). De plus, la forme sous-cutanée de védolizumab a été approuvée début mai par la commission européenne en traitement d'entretien de la RCH et de la MC. « L'évolution actuelle ouvre la voie à une prise en charge en ambulatoire de tous les patients avec une MICI grâce à un traitement d’entretien administré par voie orale (tofacitinib) ou sous-cutanée (anti-TNF, ustekinumab, védolizumab) à partir de 2021, un avantage non négligeable pour ces maladies chroniques », conclut le Pr Laurent Peyrin-Biroulet.

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin