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L’activité physique, c’est bon aussi pour la cognition

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Publié le 24/04/2020
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Toutes les études convergent aujourd’hui pour souligner les bénéfices de l’activité physique sur les fonctions cognitives, dans le cadre d’une relation bidirectionnelle pouvant s’inscrire dans un cadre vertueux ou vicieux.
Un gain perceptible après six mois de pratique

Un gain perceptible après six mois de pratique
Crédit photo : Phanie

Les études épidémiologiques soulignant les bénéfices de l’activité physique (AP) sur la sphère cognitive sont nombreuses. La pratique régulière d’une AP s’accompagne globalement d’une réduction du déclin cognitif, du risque de survenue d’un trouble cognitif léger et d’une maladie d’Alzheimer.

« Bien qu’il s’agisse de données observationnelles, ces résultats sont intéressants car ils montrent que nous avons les moyens de réduire les risques de développer un déclin cognitif par l’adoption d’une bonne hygiène de vie, dont l’AP », rapporte le Pr Michel Audiffren, du centre de recherches sur la cognition et l’apprentissage (UMR CNRS 7295), à l'université de Poitiers.

Les études transversales indiquent de leur côté que les fonctions cognitives qui sont les plus touchées par le vieillissement sont celles qui bénéficient le plus de l’AP : fonctions exécutives, telles que concentration, capacité à planifier, à manipuler les informations en mémoire de travail ou à inhiber intentionnellement des pulsions ou des émotions (sous-tendues par le lobe préfrontal et pariétal), mémoire épisodique (sous-tendue par l’hippocampe) ou encore vitesse de traitement de l’information.

Ces études, qui comme les précédentes ne permettent pas d’établir un lien de causalité entre pratique d’une AP et capacités cognitives ni de déterminer la direction de la relation entre AP et cognition : l’AP accroît les capacités cognitives et à l’inverse, un bon fonctionnement cognitif facilite la pratique d’une AP. Cette relation bidirectionnelle peut s’inscrire dans un cercle vertueux, mais aussi dans un cercle vicieux en cas déconditionnement.

Des études longitudinales, menées notamment sur des cohortes européennes, ont mis en évidence un maintien du score Mini-mental state examination (MMSE) à 10 ans en cas de pratique d’une AP, alors qu’à l’inverse, la baisse du volume d’AP (de plus de trois heures par jour) s’accompagne d’une diminution significative de ce score. C’est d’ailleurs ce qui est observé après l’entrée en maison de retraite, marquée par une baisse très nette du volume d’AP par rapport au domicile.

« Enfin, plus de 20 méta-analyses ayant colligé les résultats d’études interventionnelles démontrent clairement que l’AP a un effet significatif, avec une taille d’effet de petite à modérée », poursuit le Pr Audiffren.

Différents mécanismes à l'oeuvre

Plusieurs hypothèses sont avancées pour expliquer cet impact positif de l’AP sur les fonctions cognitives. La plus ancienne est l’hypothèse cardiovasculaire, un effet indirect donc, via les bénéfices de l’AP sur la santé cardiorespiratoire. Mais la plus documentée à l’heure actuelle, avec des preuves indiscutables chez l’animal, est l’hypothèse neurotrophique.

L’AP libère en effet des molécules neurotrophiques, notamment le BNDF (facteur neurotrophique dérivé du cerveau) qui s’accumule dans l’hippocampe et stimule la plasticité cérébrale et la neurogenèse. Des preuves indirectes de ce phénomène chez l’homme sont apportées par l’IRM, qui montre bien l’augmentation du volume de l’hippocampe avec la marche vigoureuse. Parallèlement, il se produit une néoangiogenèse et in fine une facilitation de la synthèse de neurotransmetteurs au niveau synaptique.

Troisième possible mécanisme : la libération de cytokines et de myokines, en particulier d’IL-10 dont l’effet anti-inflammatoire permettrait de contrer l’inflammation, et in fine l’apoptose neuronale, résultant de l’accumulation physiologique de plaques amyloïdes et de protéine tau au niveau cérébral.

Enfin, dernière hypothèse, celle de l’effort. Certaines AP demandent un effort mental qui sollicite les mêmes réseaux préfrontaux que ceux stimulés par l’activité cognitive. Les structures ainsi sollicitées bénéficieraient d’un phénomène d’entraînement. « Il s’agit de la voie la moins documentée mais sans doute de la plus prometteuse, en raison de la potentielle transférabilité des effets », estime le Pr Michel Audiffren.

En pratique, quelle AP privilégier ?

On estime aujourd’hui que le gain est perceptible après six mois de pratique, avec un effet qui s’amenuise en cas d’arrêt. La fréquence préconisée par l’OMS est de 150 min par semaine d’AP modérée, ou 90 min d’AP vigoureuse. La répartition est discutée, 5X30 mn paraissant préférable à 1X150 min. Pour des raisons pratiques, 3X50 mn par semaine apparaît un bon compromis. La taille d’effet est augmentée par la combinaison d’un exercice aérobie, de type marche, vélo ou jogging à intensité modérée et d’un renforcement musculaire ou d’exercices de coordination, tels que le tai-chi-chuan.

Enfin, l’observance à l’AP doit être facilitée par les conditions de la pratique (soutien social et fixation d’objectifs individualisés en particulier), en trouvant un bon compromis entre l’effort demandé et le plaisir procuré par la pratique, indispensable pour une poursuite sur le long terme.

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin