Au 3e rang des cancers féminins, le cancer du col utérin demeure un problème majeur de santé publique, en particulier dans les pays pauvres qui recensent 80 % des cas et où le ratio de mortalité annuelle sur incidence est de50 %.
Ce cancer a chuté dans les pays développés grâce aux efforts du dépistage cytologique, pourtant la maladie n’a pas été éradiquée alors qu’elle est réputée totalement évitable. En France, 50 % des femmes, les plus jeunes, sont surdépistées, 40 % ne le sont pas assez et 10 % le sont correctement. Un gaspillage énorme. Certains pays mettent en œuvre des programmes nationaux de dépistage et de prévention ambitieux mais la France se démarque et reste passive. La prévention de ce cancer n’est pas une priorité de santé publique malgré les 12 000 décès de ces dix dernières années.
Un test HPV négatif garantit instantanément et avec une certitude proche de 100 % l’absence de lésions à risque, ce qui n’est pas le cas du frottis négatif. 30 % des cancers invasifs sont diagnostiqués chez des femmes ayant pratiqué les frottis à rythme régulier. Les études randomisées récentes à large échelle ont montré que la recherche de l’agent causal est plus performante que le frottis à détecter les précancers. De plus, sa faisabilité et son efficience permettent de le proposer aussi aux pays pauvres. La question des inquiétudes inutiles et des surtraitements trouve sa solution dans des tests moléculaires plus spécifiques qui se déclinent dans de nouvelles stratégies validées.
Mais le remplacement de la cytologie par le seul test HPV en dépistage primaire rencontre des résistances en France. En juillet 2010 la HAS s’est prononcée sur les orientations à prendre pour le dépistage en concentrant l’essentiel de son message sur son organisation et en ignorant d’y adjoindre les données sur les nouveauxoutils. L’agence a manqué à son devoir d’analyse objective des preuves et a tourné le dos au progrès au détriment des malades.
Quant à la vaccination contre le HPV, en particulier les types 16 et 18, elle protège contre plus de 50 % des précancers et 70 % des cancers. Certes, elle ne prémunit pas contre tous les virus à risque ou très peu, elle est synergique et complémentaire au dépistage. Elle est largement implantée dans le monde, plus de 120 pays l’ont approuvée et pour beaucoup d’entre eux recommandée et remboursée ;près de 100 millions de doses ont été distribuées.
Mais la France fait les frais d’une campagne de dénigrement infondée du vaccin. L’Afssaps a rapporté, en juillet 2011, de rares événements incidents neurologiques et auto-immuns, pas plus fréquents que dans la population générale du même âge (de 0,2 à 0,6 pour 100 000 doses). Après l’administration d’un placebo, des événements de même nature sont observés. L’ensemble des agences internationales continuent d’affirmer l’absence de lien de causalité entre ces événements incidents et la vaccination. Il n’y a pas de surrisque démontré lié à la vaccination. Les scientifiques ne retrouvent aucun fondement à ces allégations et pointent du doigt les dégâts profonds de cette crise de confiance en termes de santé publique.
Un effort clair d’information est nécessaire. À l’égard des patients, la priorité est de rappeler les conséquences des pathologies associées aux papillomavirus et d’expliquer le rôle protecteur et sûr que le vaccin peut jouer en prévention. Vis-à-vis des médecins, il importe de passer une information scientifique claire afin de rallier les professionnels ébranlés par la récente controverse et leur fournir des arguments. Les pouvoirs publics qui ont autorisé et remboursé ces vaccins devraient s’engager plus fermement afin d’écarter le doute et la suspicion.
En France, neuf femmes, souvent jeunes, sont victimes du cancer du col et trois autres en meurent chaque jour, par négligence, ignorance, inégalité des chances ou manque d’engagement politique ouvert au progrès. La maladie pourrait être totalement évitée si, patientes, professionnels et autorités de santé se coordonnaient, dans la voie de la prévention. Les moyens sont là, à chacun de prendre ses responsabilités pour que l’espoir que procure le progrès scientifique se transforme en réalité.
Président du comité scientifique d’EUROGIN 2012
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