Pour les pédiatres, ces derniers mois ont bien sûr été marqués par les conséquences de l’épidémie de Covid-19 chez les enfants. S’ils ont, certes, été relativement épargnés par l’infection elle-même, ils ont payé, et payent encore, un lourd tribut sur le plan psychologique à la pandémie. « Au-delà de ses conséquences directes sur la santé des enfants, l’épidémie de Covid-19 a indirectement affecté significativement leur santé mentale, souligne la Pr Christèle Gras-Le Guen, présidente de la Société française de pédiatrie (SFP) et cheffe du service de pédiatrie et des urgences pédiatriques au CHU de Nantes. Partout sur le territoire, les services de psychiatrie sont saturés. Dans notre centre, comme dans d’autres, nous avons réorganisé les soins et ouvert une aile supplémentaire pour permettre à nos collègues psychiatres de prendre en charge ces enfants et adolescents qui vont mal. »
Un besoin d’échanges
La conférence plénière du congrès dédiée aux conséquences psychologiques de l’épidémie chez les enfants et les adolescents (lire page 33) a permis de fructueux échanges entre psychiatres et pédiatres, tout comme la table ronde plus largement orientée sur les urgences et situations de crise chez l’adolescent. « Les médecins généralistes sont souvent en première ligne et ce sont eux qui vont lancer les consultations, notamment auprès de psychologues, qui seront facilitées par les récentes mesures gouvernementales », poursuit la Pr Gras-Le Guen.
Le congrès a également été l’occasion de faire un état des lieux des connaissances sur le Pims, syndrome inflammatoire multisystémique pédiatrique post-infectieux, dont plus de 500 cas ont été rapportés en France pendant cette pandémie (lire p. 33).
Il faut aussi de rappeler que les enfants ont été peu moteurs dans la dissémination du Sars-Cov-2. « Beaucoup de faux messages ont circulé à ce sujet, et il est important de mettre à jour les connaissances, en France comme dans les autres pays », note la Pr Gras-Le Guen. Pour les praticiens, l’une des questions importantes concerne les indications des tests PCR dans la population pédiatrique. Plusieurs études, menées en pédiatrie ambulatoire, notamment grâce à la forte implication des praticiens libéraux, permettent de donner des éléments d’orientation (lire page 32).
Transmission des savoirs
À côté de sa dimension d’échanges, le congrès annuel de la SFP est aussi un moment de transmission des savoirs. Cette dimension pédagogique n’a pas été oubliée lors de cette édition virtuelle, à travers les sessions « mise au point » et « pas à pas », toujours très appréciées des plus jeunes. Que faire face à un traumatisme dentaire, une bradycardie ou une fièvre sous chimiothérapie ? Comment interpréter un bilan thyroïdien ou une anomalie de la coagulation ?
Ces situations très concrètes du quotidien ont été au cœur des sessions de cas cliniques avec des quiz, mais aussi d’une session controverse consacré aux freins de langue chez les nouveau-nés. Un courant actuel, venu notamment d’Australie, pousse à multiplier les gestes sur des freins de langue, réels ou supposés, au motif qu’ils gêneraient l’allaitement maternel, l’oralité et le développement de la parole (lire p. 35). « Les indications doivent rester exceptionnelles, il faut éviter les dérives, nous sommes aujourd’hui trop interventionnistes, à l’instar de ce qui a été fait pour les amygdalectomies dans les années 1980 », estime la Pr Gras-Le Guen.
Les soignants au cœur de la protection de l’enfance
« La protection de l’enfance est un sujet essentiel pour les pédiatres. La SFP et la SFP médico-légale ont travaillé main dans la main avec les autorités sur ce problème majeur », rapporte la Pr Gras-Le Guen. On estime en effet qu’un enfant sur dix serait concerné ; plusieurs communications lors du congrès ont mis en avant la vulnérabilité des enfants et les difficultés diagnostiques de la maltraitance, physique, psychique et sexuelle.
De plus, la prise en charge de ces enfants et adolescents sur le plan de la santé globale est insuffisante. Ils sont fréquemment très peu suivis sur le plan médical alors qu’ils souffrent, avec une fréquence accrue, de troubles somatiques et de l’apprentissage. Dans le cadre des récentes dispositions légales, une expérimentation nationale a été mise en place afin d’assurer un meilleur suivi médical des enfants sous protection. Ce projet, « Santé protégée », a débuté dans trois départements français (lire p. 34). En lien avec direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et le CHU de Nantes, tous les pédiatres et médecins généralistes ont ainsi été sollicités pour être médecins référents des enfants et des adolescents bénéficiant d’une mesure de protection administrative ou judiciaire, à domicile ou confiés. Une avancée importante pour tous les enfants concernés.
Exergue : « Nous avons réorganisé les soins et ouvert une aile supplémentaire pour permettre à nos collègues psychiatres de prendre en charge ces enfants et adolescents qui vont mal »
Entretien avec la Pr Christèle Gras-Le Guen, Nantes
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