LE QUOTIDIEN : Quels ont été les enjeux de ce congrès ?
PR RAPHAËL GAILLARD : Tout d’abord, il faut remarquer que, pour notre communauté, organiser un congrès sous forme digitale, c’est contre nature. En effet, les psychiatres sont les professionnels du lien social, ils en savent le caractère vital pour chacun. L’enjeu clé de la psychiatrie est de permettre à des personnes souffrant de troubles mentaux de s’insérer dans la société et de maintenir le lien. Actuellement, la distanciation physique, et malheureusement sociale, rendue nécessaire par la contagiosité du virus, est l’ultime convulsion de ce lien. On parle de troisième vague pour décrire la vague psychiatrique qui arrive, suite à cette rupture du lien social. Il serait plus juste de parler de lame de fond qui va durer longtemps… Dans cette situation de crise inédite, il y a une nécessité absolue à la créativité d’où le titre de notre programme, « L’imaginaire en action ». Pour construire le monde d’après, il faut se réinventer.
Ainsi, à côté des sessions de formation continue sur les thèmes d’actualité tels que le stress post-traumatique, les dépressions bipolaires, le TDAH, le trouble de personnalité borderline, plusieurs communications ont porté sur le futur de la psychiatrie, avec notamment l’arrivée de nouvelles technologies et le développement d’applications par des start-up innovantes (aide au diagnostic, aide à la prescription, soutien psychologique…).
La psychiatrie aide les patients à réintégrer la société et elle doit donc aussi être attentive aux transformations sociétales, à ses nouveaux enjeux et aux diverses représentations mentales (l’imaginaire du vaccin, par exemple qui a fait l’objet d’une session).
Enfin, les grands entretiens du congrès de l’Encéphale sont toujours des moments exceptionnels. Cette année, deux remarquables orateurs François Sureau de l’Académie Française et Guillaume Gallienne de la Comédie
Française sont venus témoigner de leur perception de notre discipline. Ces regards extérieurs nous apportent beaucoup.
Comment la psychiatrie s’adapte-t-elle aux nouvelles technologies ?
Les nouvelles technologies prennent une place de plus en plus importante.
La télémédecine, la télésurveillance et bien d’autres techniques encore, ouvrent de multiples possibilités pour créer le lien, même si rien ne remplacera la rencontre physique entre deux personnes.
Avec la crise sanitaire et les mesures de confinement, il a fallu modifier notre façon de faire. Aujourd’hui, pratiquement tous les psychiatres se sont mis à la téléconsultation. Les leçons que l’on peut en tirer sont que cela fonctionne et, avec certains patients, cela fonctionne même mieux que lors d’une consultation au cabinet. En revanche, il est plus fatigant d’observer sur un écran tous les éléments de communication non verbale. Il faut dépenser beaucoup d’énergie pour les repérer.
La téléconsultation permet aux enfants et adolescents qui ont besoin de consulter, de rester dans leur environnement, ce qui peut apporter un sentiment de sécurité et faciliter la consultation.
Même les psychanalystes, qui sont très attachés au cadre de séance avec des règles très précises, s’y sont mis.
Les objets connectés et les différentes applications de suivi d’un patient représentent une opportunité pour la psychiatrie, contrairement à ce que certains pouvaient croire. En effet, la psychiatrie se prête encore mieux que les autres spécialités aux outils connectés, car nous travaillons sur la santé mentale et il n’y a pas besoin d’examen clinique physique.
Comment préserver le secret professionnel ?
En introduction, je rappellerai cette phrase du Pr Louis Portes en 1950 qui fut président du conseil national de l’Ordre des médecins : « Il n’y a pas de médecine sans confiance, de confiance sans confidence et de confidence sans secret ». Le secret médical a pour objectif de protéger les personnes soignées. Il est essentiel à la confiance des patients et, sans confiance, le patient ne se confierait plus.
En psychiatrie, les questions relatives au secret professionnel sont nombreuses, du fait de la nature même des maladies mentales et de leur retentissement sur la vie sociale, familiale et professionnelle.
La rédaction d’un certificat médical est une demande fréquente et elle doit être très prudente dans un monde qui se judiciarise. En effet, les certificats sont utilisés de façon croissante dans des procédures judiciaires, et de plus en plus de plaintes ordinales concernent des psychiatres. Le médecin ne doit pas s’immiscer sans raison dans les affaires de famille, ni dans la vie privée de ses patients (art. 51).
Pour l’essentiel, il faut se borner à constater des faits médicaux et ne pas faire de lien avec les faits relatés par le patient et surtout ne pas attribuer les troubles du patient au comportement d’une personne.
Exergue : Pour construire le monde d’après, il faut se réinventer
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