Douleur

« Douillettes » mais pas « chochottes » !

Publié le 12/06/2015
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Souvent considérées comme douillettes, les femmes ont de fait une plus forte propension à la douleur que leurs homologues masculins. Mais cette « prédisposition » s’explique plus par des facteurs anatomiques et biologiques que par une réelle sensiblerie, même si l’état basal d’anxiété semble intervenir.

Crédit photo : GARO/PHANIE

Avec un sex-ratio de deux à trois femmes pour un homme tous types de douleur confondus (céphalées, douleurs abdominales, arthrite rhumatoïde, douleurs d'origine musculosquelettiques etc.), voire de six pour un dans la fibromyalgie, hommes et femmes ne sont pas égaux face à la douleur.

L’influence hormonale

Outre des facteurs anatomiques (anatomie de l’appareil reproducteur, dysménorrhées, etc.), les hormones sexuelles jouent un rôle sur le système nerveux central et donc sur la douleur. « De façon très générale, avance le Pr Serge Marchand, neurophysiologiste, centre de recherche du CHUS et faculté de médecine, université de Sherbrooke (Canada), la testostérone aurait un rôle protecteur contre la douleur, et nos recherches ainsi que celles de collègues ont montré que des niveaux de testostérone plus élevés augmentent le seuil de tolérance à la douleur. Au contraire, des taux élevés d’estrogènes et de proge-stérone?impactent plutôt des facteurs de freinage de la douleur ».

Ces phénomènes dits de « contre-irritation » permettant de réduire la douleur lorsque celle-ci est très forte à un endroit précis. Les hormones sexuelles féminines semblent réduire l’efficacité de ce système, lequel peut ainsi fluctuer avec les cycles menstruels. « Par exemple, pendant toute la période périmenstruelle, ce système de freinage se révèle nettement moins efficace et cela joue probablement un rôle dans le risque de développer des douleurs chroniques », estime le chercheur. De plus, les hormones sexuelles influencent des régions corticales concernées par l’analgésie. Les taux d’endorphines vont ainsi être modulés pendant les cycles menstruels et seront donc moins efficaces à certains moments dont la phase folliculaire. Il serait néanmoins incorrect d’affirmer qu’estrogènes et progestérone sont pro-nociceptifs. « Il s’agit plutôt d’un fragile équilibre entre estrogènes-progesestérone et testostérone », nuance Serge Marchand.

Le poids de l’anxiété

Un autre facteur qu’il ne faut pas négliger et qui est sous-tendu par des études en neuropsychologie est la tendance naturelle chez les femmes à ressentir une anxiété d’état (de base) supérieure à celle des hommes, lesquels ont, pour leur part, une plus forte anxiété situationnelle. Dans les tests sur la douleur entre hommes et femmes, si l’on fait covarier ces niveaux d’anxiété d’état/situationnelle, on ne retrouve presque plus de différence entre les sexes vis-à-vis du ressenti douloureux,?démontrant le poids de l’anxiété dans la douleur. « Si ce niveau d’anxiété d’état joue significativement sur la douleur de la patiente, alors il faut s’en occuper pour réduire l’anxiété associée à la douleur », insiste Serge Marchand. En faisant abstraction du genre, de l’ethnie, etc., il faut soulager le patient, en tenant compte de l’ensemble des facteurs impliqués (physiologiques, anatomiques, culturels...). »

En pratique, « il faut donc en consultation, tenir compte des facteurs psychologiques et physiologiques, poser des questions spécifiques à la patiente, à savoir si les douleurs sont augmentées pendant la période périmenstruelle ou avec la prise de contraceptifs ». Tout en gardant à l’esprit « que la réponse aux analgésiques prescrits pourra être différente entre les hommes et les femmes (voir encadré), impliquant d’ajuster le choix de la molécule et son dosage en fonction de la réponse de la patiente et non pas uniquement basé sur ses expériences avec des patients de sexe masculin. »

Hélène Joubert

Source : lequotidiendumedecin.fr