« Si les discussions ont été franches, parfois musclées, aucun coup n'a été échangé, personne n'est dans les cordes et je crois que tout le monde sort gagnant. »
Prononcées avec fierté par Olivier Véran lors de la conclusion du Ségur de la Santé, le 21 juillet, ces paroles, au terme de la trêve estivale, se heurtent à la réalité d'une rentrée sous tension, où les impatiences pointent déjà.
Lessivés par la crise sanitaire, aujourd'hui inquiets de la situation épidémique (lire aussi page 8), les soignants nourrissent l'espoir de voir l'hôpital public respirer. De l'air : c'est justement ce que le gouvernement a garanti au secteur en débloquant 8,2 milliards d'euros pour revaloriser les salaires et les métiers et 6 milliards d'euros pour l'investissement hospitalier (en sus de 13 milliards d'euros de reprise de dette).
Pour les praticiens hospitaliers en particulier, un accord à 450 millions d'euros par an a été conclu avec trois des cinq organisations représentatives (CMH, INPH et SNAM-HP). Du jamais vu. Ces enveloppes devront se « traduire en résultats concrets, sur le terrain, dans vos services, dans vos cabinets, dans vos établissements médico-sociaux, partout ou vous exercez », a promis le ministre aux soignants. Pas moins de 33 mesures ont été annoncées mais qui renvoient parfois à un calendrier incertain – dont la promesse de 15 000 recrutements pour soutenir l'emploi hospitalier et pourvoir les emplois vacants ou encore la remédicalisation de la gouvernance.
Les fédérations applaudissent, les médecins moins...
Tout le monde sort-il vraiment « gagnant » du Ségur ? Malgré les montants très significatifs sur la table, la communauté hospitalière reste divisée. Les fédérations hospitalières sont les plus enthousiastes. Côté secteur public, la FHF a salué un plan « qui, enfin, fait bouger les lignes de notre système de santé ». La réouverture de 4 000 lits « à la demande » est « une très bonne chose », de même que les annonces relatives aux EHPAD (pérennisation des astreintes sanitaires, renforcement des équipes infirmières de nuit, hospitalisation directe sans passage aux urgences).
Côté cliniques, la FHP est soulagée d'obtenir « une juste revalorisation des professionnels de l’hospitalisation privée dans une démarche de quasi-égalité de traitement » et, plus largement, des mesures qui « vont dans le bon sens et augurent d’une nouvelle dynamique » plus propice aux acteurs de terrain.
En première ligne, les médecins hospitaliers sont nettement plus tempérés. Le collectif inter-hôpitaux (CIH) a haussé le ton au cœur de l'été. Après avoir apprécié en juillet les « éléments intéressants » contenus dans le plan, le CIH a déploré fin août l'absence de « signaux indiquant que le Ségur de la Santé ait déclenché le choc d'attractivité espéré ». Malgré des « arbitrages financiers [qui] traduisent un effort conséquent de la nation », la conférence de présidents des commissions médicales d'établissements (CME) juge également que le compte n'y est pas pour les PH. Quid de l'augmentation de la prime d'exercice territorial, de la prime d'engagement de la carrière hospitalière, de la revalorisation d'indemnités managériales et des valences ? s'interroge la conférence, tandis que le ministère renvoie ces requêtes à une nouvelle « concertation ».
« Arnaque »
Avoir laissé le dossier de l'attractivité médicale en jachère ne passe pas au SNPHARe. Le syndicat membre d'Action praticiens hôpital (APH, non signataire des accords salariaux) n'a eu de cesse de crier au « grand coup de communication » tout l'été. Il réclame l'ouverture d'un chantier sur la permanence des soins et le temps de travail à l'hôpital et surtout la correction du « décrochage de 30 % » de la grille salariale des PH. Les PH reprochent au gouvernement d'avoir supprimé les trois premiers échelons en entrée de carrière pour les médecins uniquement nommés à partir de l'automne 2020. « Ce qui devrait être une revalorisation des traitements des PH source d'attractivité devient finalement une source d'iniquité », peste le syndicat, qui dénonce une « arnaque », ce dont le ministère se défend.
Alors que le gouvernement se concentre sur le plan de relance économique, des voix s'élèvent pour réclamer l'ouverture de nouvelles négociations – un « Ségur 2 ». Parmi elle, le collectif Santé en danger rassemble plus de 130 000 membres – médecins, paramédicaux et usagers déçus. Une initiative en marge des syndicats lancée sur les réseaux sociaux par un anesthésiste du Pas-de-Calais qui n'est pas sans rappeler celle des collectifs hospitaliers (CIU, CIH), dont la force de frappe n'est plus à démontrer.
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