Sécurité, RCP, télétransmission, déclarations d’absence…

Xavier Bertrand au pas de course

Publié le 18/03/2011
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Crédit photo : S Toubon

LE QUOTIDIEN – Plusieurs médecins ont été récemment agressés. Comment renforcer la sécurité des professionnels de santé ?

XAVIER BERTRAND – C’est une de mes préoccupations majeures. J’en ai parlé à Claude Guéant [le ministre de l’Intérieur, NDLR]. L’objectif est d’aboutir à la signature rapide d’un protocole Santé, Intérieur, Justice. Il n’existe pas de baguette magique en la matière ; il ne faut pas du spectaculaire, mais des actions concrètes et efficaces, pour que recule le sentiment d’insécurité des professionnels de santé en ville comme à l’hôpital. Les situations peuvent être très différentes. Le cas de la gynécologue de Seine-Saint-Denis qui s’est fait agresser car on voulait lui voler son sac est certes différent de celui de la gynécologue de Charente qui s’est fait agresser par une ancienne patiente mais ces agressions génèrent le même sentiment chez les professionnels. Plusieurs actions vont être lancées : l’extension des protocoles hospitaliers aux professionnels de santé libéraux (diagnostic de sécurité et mesures de prévention), la mise en place de procédures d’alerte au niveau local, la facilitation du dépôt de plainte par un recueil sur place ou sur rendez-vous, la création d’une filière d’accès privilégiée dans les commissariats pour les professionnels de santé, inciter à l’installation des caméras publiques de vidéoprotection aux abords des cabinets médicaux. En secteur hospitalier, toutes ces mesures existent déjà. J’ai demandé au professeur qui s’est fait agresser à Henri Mondor ce qui aurait dû être mis en place pour éviter cette agression, il m’a indiqué que la réponse n’allait pas de soi. Je parlerai de sécurité lors de ma prochaine réunion avec les DG d’ARS. C’est un dossier dont il faut s’occuper pour éviter de nouveaux incidents.

Pour régler le problème de la responsabilité civile médicale, Gilles Johanet préconise la mise sur pied d’un pool d’assureurs. Allez-vous mutualiser le risque et mettre en place ce pool ?

Je vais agir dès cette année pour régler définitivement le problème et lever l’inquiétude des médecins. J’aimerai aller plus vite que le PLFSS [projet de loi de financement de la Sécurité sociale, NDLR], et, si c’est possible, que la proposition de loi Lefrand puisse être le vecteur de l’arbitrage à venir. Le problème n’est pas spécifique aux gynéco-obstétriciens, aux chirurgiens et aux anesthésistes. Je suis persuadé que la question se posera également aux sages-femmes et à d’autres professionnels de santé dans les années à venir. La MASCF a déjà enregistré un sinistre à 7,5 millions d’euros pour un généraliste (à propos d’un retard de diagnostic). Nous avons commencé à concerter les différents acteurs, à la lumière du rapport Johanet, pour avoir leur position. Différentes options sont sur la table, je ne suis fermé à rien. La piste de la mutualisation m’intéresse. Il faut étudier les conditions de mise en place du pool. Le rapport Johanet suffira-t-il ? En tout état de cause, je veux apporter une réponse durable. Je vais regarder si les provisions constituées par les assureurs sont en ligne avec les indemnités à verser [aux victimes d’accidents médicaux, NDLR]. C’est l’ancien assureur qui parle : je veux une réelle transparence.

Les médecins sont très déstabilisés par l’affaire Mediator. Sans préjuger de l’issue des Assises du médicament, que leur conseiller s’agissant des prescriptions hors AMM ?

Je ne laisserai pas les médecins devenir les principaux accusés de ce dossier. Des médecins sont personnellement mis en cause dans l’affaire Mediator. Il faut garder à l’esprit que les ordonnances en référé visant à ouvrir des expertises ne préjugent en rien de la responsabilité des personnes. La responsabilité première est celle du laboratoire Servier qui a fabriqué le Mediator, et ensuite celle de la police du médicament qui a failli à sa mission. Les Français font confiance à leur médecin, je veux que cela dure. Ceci étant dit, la question des prescriptions hors AMM est posée. C’est un des sujets des Assises du médicament sur lequel je veux des réponses précises. Il ne faut pas interdire la prescription hors AMM : ce serait un recul pour les patients, notamment ceux atteints de maladies rares comme l’a à nouveau souligné Nora Berra lors de la présentation du 2ème plan maladies rares. En revanche, il faut certainement définir un nouveau cadre afin de garantir la juste prescription et le bon usage du médicament. Une des pistes pourrait être de limiter les prescriptions hors AMM quand elles interviennent hors de tout protocole.

Les effectifs non médicaux au sein de la fonction publique hospitalière ont diminué en 2009 (-9 800 postes). Votre commentaire ? Est-ce une conséquence de la politique de réduction des déficits ?

Les CHU ont réduit leur déficit de 20 % en 2010 par rapport à 2009. Je veux saluer ces efforts. Il ne faut pas chercher à opposer maintien de l’emploi et déficit : le vrai risque pour l’emploi hospitalier serait de maintenir les déficits. La règle du non-remplacement d’un départ sur deux ne s’applique pas à l’hôpital. J’ajoute que le nombre d’ETP [équivalents temps plein] médicaux a progressé de 8,5 % entre 2006 et 2009. La baisse des effectifs non médicaux enregistrée en 2009 concerne les services support. L’effectif soignant est stable, nous ne touchons pas au cœur de métier de l’hôpital. Ceci étant dit, l’hôpital doit se restructurer pour plus d’efficience. Début avril, je vais rencontrer tous les directeurs d’hôpitaux et les présidents de CME : ce sera une première. J’ai le même dialogue avec les médecins hospitaliers qu’avec les médecins libéraux. J’ai bien à l’esprit le fait que les médecins hospitaliers veulent être davantage considérés. La proposition de loi Fourcade ne concerne pas l’hôpital car son objectif essentiel est de renforcer l’attractivité de l’exercice libéral de proximité. La crainte des hospitaliers concerne la nouvelle répartition des rôles entre médecins et directeurs, un changement de texte ne changerait pas fondamentalement les choses. C’est à moi de faire passer directement des messages aux directeurs et aux médecins.

Les négociations conventionnelles vont reprendre. Elles n’ont pas permis d’avancer beaucoup depuis 2007.

Qu’on en soit revenu aux discussions conventionnelles est bon signe. Cela montre justement que l’on a fait du chemin ces quatre derniers mois. Nous avons renoué le dialogue avec l’ensemble des acteurs. Je sais que ce n’est pas à moi, ministre de la Santé, de sonner le début des négociations mais je souhaite qu’elles démarrent très rapidement. Je crois à la place de la négociation conventionnelle, il faut maintenant des avancées sur les bases de la rémunération ou la démographie médicale. Les questions de la prévention et de l’accès aux soins font aussi partie des sujets prioritaires. Si on intègre le CAPI [contrat d’amélioration des pratiques individuelles, NDLR] dans la convention, c’est aussi pour progresser dans ce sens-là. L’ONDAM [objectif national des dépenses d’assurance-maladie] permet de vraies marges de manœuvre. Il ne s’agit pas de renvoyer les décisions aux calendes grecques ou après les élections présidentielles.

Les précédentes discussions ont achoppé sur les questions de démographie médicale et des dépassements d’honoraires. Ces dossiers devront-ils être prioritairement réglés dans la prochaine convention ?

Oui mais je dirais que tout est devenu prioritaire. Sur la question de la démographie médicale, il faut que tout le monde joue le jeu. La démographie médicale est la priorité et pas seulement en milieu rural. La semaine prochaine, je rencontrerai les syndicats de médecins et l’assurance-maladie sur le sujet de l’avenant 20 [cet avenant permet à un médecin généraliste qui exerce en cabinet de groupe dans une zone déficitaire en offres de soins de bénéficier d’une majoration de 20 % de ces honoraires, NDLR]. Une évaluation de cet avenant devrait montrer que ce dispositif n’était pas une vue de l’esprit du ministre de la Santé et des signataires de l’époque. Je crois à l’incitation mais il faut lui donner sa chance. Il n’y a pas assez de contrats d’engagement de service public passés avec les jeunes. Avec les maisons de santé pluridisciplinaires, nous avons désormais un outil qui dispose de moyens financiers et d’un statut juridique. Je veux aussi donner envie à des médecins qui ont décidé de prendre leur retraite de prolonger leur activité. Mon idée est de s’inspirer du statut du remplaçant : zéro contrainte, zéro formalité. Dans ces conditions, il sera possible d’inciter ces médecins à prolonger leur activité de six mois, un an voire plus.

Le protocole d’accord tripartite du 15 octobre 2009 sur le secteur optionnel est-il caduc ?

Non, il ne faut pas tout reprendre. Il faut aussi tenir compte des pratiques régionales réalisées par des mutuelles adhérentes à l’UNOCAM [Union nationale des organismes complémentaires d’assurance-maladie]. Certaines ont déjà mis en place un secteur optionnel qui ne porte pas ce nom-là. Regardons ce que cela donne. Plutôt que de construire un secteur optionnel sur des bases théoriques, regardons d’abord ce qui marche en pratique.

La taxe mise en place le 1er janvier pour les médecins qui télétransmettent moins de 75 % de leurs feuilles de soins inquiète. Vous avez promis de l’appliquer avec discernement. Allez-vous l’alléger ?

L’objectif est d’arriver à ce que les médecins qui ne télétransmettent pas ou peu le fassent. L’enjeu est là. À la clé, ce sont des économies. La télétransmission permet de rembourser plus vite les assurés sociaux. Elle permet aussi aux médecins de percevoir leurs honoraires plus rapidement quand ils reçoivent des patients en tiers payant. Pour améliorer la télétransmission, je vais proposer que le forfait d’aide à l’informatisation de 250 euros puisse être versé par avance aux praticiens sur présentation d’une facture qui atteste l’achat d’équipement informatique. Nous devons faire évoluer le système actuel car il n’a pas été compris. Le seuil des 75 % fait peur, notamment à ceux qui télétransmettent déjà beaucoup et font preuve de bonne volonté depuis des années. Je vais demander aux professionnels de santé de faire des propositions.

Autre sujet de crispation des médecins, la déclaration des congés obligatoire qui devait être revue et ne l’a pas été lors de l’examen de la proposition de loi Fourcade au Sénat. Cette disposition sera-t-elle bien annulée ?

L’amendement d’origine parlementaire proposé par les centristes a été obtenu d’une courte majorité au Sénat malgré l’avis du gouvernement. Nous y reviendrons lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale. Je proposerai une modification. La suppression de cette disposition est un engagement du président de la République et de ma part. La loi Fourcade sera examinée à l’Assemblée nationale à partir du 11 avril. Le rétablissement de la confiance est une priorité du gouvernement.

Les décrets sur le développement professionnel continu (DPC) sont-ils gelés ou enterrés ?

Les Assises du médicament vont rendre leurs conclusions en mai. Ce serait incohérent de publier les textes sur le DPC alors que l’on entame une réflexion globale sur le médicament, la formation médicale, l’information et la transparence. J’ai retenu la publication des décrets au nom de la cohérence. Nous verrons s’il y a lieu de faire des modifications profondes. Je n’en suis pas persuadé à ce stade. En attendant la publication des textes dans les mois qui viennent, les organismes existants doivent continuer à pouvoir travailler. La phase transitoire sera prolongée d’un an.

 PROPOS RECUEILLIS PAR DELPHINE CHARDON ET CHRISTOPHE GATTUSO
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Source : Le Quotidien du Médecin: 8926