Du repérage à la prise en charge spécialisée à travers des filières de soins : les leviers sont nombreux pour améliorer la prise en charge des patients souffrant de trouble du comportement alimentaire (TCA) en France.
« Il faut parfaire la formation des professionnels de santé, notamment en matière de repérage », insiste la Pr Nathalie Godart, pédopsychiatre et présidente de la Fédération française Anorexie Boulimie (FFAB). Pour ce faire, les généralistes peuvent se tourner vers les deux recommandations de la Haute Autorité de santé élaborées avec la FFAB.
La première, publiée en 2010, porte sur l'anorexie mentale et souligne l'importance d'un repérage précoce. Elle rappelle les populations à risque : adolescentes et jeunes femmes, mannequins, danseurs et sportifs, sujets atteints de pathologies impliquant des régimes (hypercholestérolémie familiale, diabète de type 1). Elle précise aussi les signes évocateurs (hyperactivité physique, surinvestissement intellectuel, aménorrhée, perte de poids supérieure à 15 %, etc.) qui doivent conduire à poser des questions simples, telles que « Avez-vous ou avez-vous eu un problème avec votre poids ou votre alimentation ? ». Le praticien peut aussi recourir au questionnaire Scoff, dans lequel deux réponses positives sur cinq sont prédictives d’un TCA.
Encourager le multidisciplinaire
Quant à la prise en charge, elle doit être ambulatoire et multidisciplinaire, alliant le psychique et le somatique. Elle peut prendre la forme d’une hospitalisation à temps plein si nécessaire, sur la base d’un faisceau de critères médicaux (indice de masse corporelle < 13,2 kg/m2 à 15 ans, élévation de la créatinine plasmatique, acétonurie), psychiatriques (risque suicidaire) et environnementaux (isolement social, conflits familiaux sévères, etc.) et leur évolutivité, décrits dans un tableau. La HAS insiste sur le climat de confiance qui doit s’établir avec la famille.
La seconde recommandation, sur l'hyperphagie boulimique et la boulimie, publiée en 2019, est accompagnée de huit fiches pratiques. Y sont notamment mentionnées les populations que les généralistes devraient systématiquement investiguer : personnes en surpoids ou en situation d’obésité, en demande de chirurgie bariatrique, présentant des antécédents de TCA, impliquées dans des disciplines nécessitant un contrôle du poids, souffrant de troubles psychiatriques même légers…
La HAS met l’accent sur l’importance d’une attitude bienveillante et empathique dans l’interrogatoire du patient, pour qui ces troubles sont souvent objets de honte.
Comme pour l’anorexie, le maître mot de la prise en charge est la précocité et la multi-disciplinarité. Selon la Pr Godart, cette dimension doit être davantage encouragée en France. « Pas seulement avec des mots : participer à des réunions de synthèse prend du temps, cela doit être reconnu », déclare-t-elle, plaidant pour que les filières de soins spécifiques aux TCA soient plus visibles, « afin que familles, patients et médecins, sachent à qui s’adresser ».
Par ailleurs, « il faut créer davantage d’équipes spécialisées avec des outils validés. Par exemple, en psychiatrie, il faut développer les thérapies familiales et multifamiliales (efficaces notamment chez les adolescentes anorexiques), les thérapies cognitivo-comportementales… Sur le plan somatique, les prises en charge spécifiques des complications et les aspects nutritionnels doivent être mieux connus », estime-t-elle.
Enfin, patients, familles, mais aussi médecins, peuvent joindre la ligne téléphonique « Anorexie Boulimie Info Écoute » (0810 037 037) ou le site de la FFAB : www.ffab.fr
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