La solitude est un facteur de risque

La dénutrition en ligne de mire

Publié le 14/10/2019
Article réservé aux abonnés

Pour éviter le cercle vicieux de la dénutrition, il faut inciter les sujets âgés, avant 75 ans, à garder le plaisir de manger, par des mesures simples et de bon sens, sans restriction alimentaire et parallèlement à poursuivre une activité physique régulière.

La solitude est un facteur de risque de dénutrition, qui concernait 23% des sujets âgés

La solitude est un facteur de risque de dénutrition, qui concernait 23% des sujets âgés
Crédit photo : Phanie

En France, plus de deux millions de personnes sont dénutries. Souvent elles ne sont pas reconnues comme telles, et parmi elles, de nombreux sujets âgés. Or, le maintien d'un état nutritionnel satisfaisant est essentiel pour un vieillissement réussi. Le statut en micronutriments a un impact majeur sur des fonctions essentielles comme l'immunité, la tolérance au glucose, les fonctions cognitives, la lutte contre la perte de la masse maigre et de la densité osseuse et contre le stress oxydatif. Le cerveau en particulier a besoin en permanence non seulement d'oxygène et de glucose, mais aussi d'acides aminés, de vitamines du groupe B, C et E. « Tout déficit prolongé d'apport alimentaire de ces éléments met en péril le bon fonctionnement cérébral », souligne le Dr Monique Ferry (gériatre et médecin nutritionniste, Valence).

Souvent, les personnes âgées ont une anorexie, favorisée, par les pathologies chroniques, les carences d'apport, le stress, des traumatismes (perte d'un proche, d'un animal domestique), mais aussi par la solitude et la monotonie alimentaire.

« Après l'âge de 65 ans, 60 % des personnes ont des difficultés pour faire leurs courses alimentaires et ne peuvent pas porter quatre kilos pendant plus de 500 mètres », rapporte le Dr Ferry. À cela s'ajoute la baisse du goût et de l'odorat, l'incapacité à manger seul, avec in fine le risque de se laisser entraîner dans la spirale de la dénutrition : amaigrissement, hypoalbuminémie, déficit immunitaire, infections urinaires et respiratoires, troubles psychiques, puis escarres et chutes liées à la sarcopénie et enfin état grabataire.

« En pratique, il faut agir avant 75 ans, âge qui marque une période charnière au-delà de laquelle il est plus difficile d'intervenir », insiste le Dr Ferry. Il faut ainsi notamment être vigilant chez les personnes qui souffrent de solitude. L'étude SOLINUT avait montré que la solitude, prévalente dans toutes les structures, était un facteur de risque de dénutrition, qui concernait 23 % des sujets âgés suivis dans ce travail contre 4 à 10 % selon l'âge de ceux qui ne vivent pas seuls à domicile. Et plus d'un tiers des personnes suivies n'avait pas partagé un repas avec quiconque au cours de l'année précédente. Il importe aussi de vérifier l'état bucco-dentaire. La perte des dents limite bien évidemment la prise alimentaire et les prothèses dentaires ne tiennent plus dès que le sujet maigrit. Les personnes ne mastiquent plus, avalent des aliments non préparés par la salive, ce qui les expose au risque de fausses-routes.

Lutter contre la solitude et la monotonie alimentaire

Il est donc essentiel de maintenir ou restaurer l'envie de manger, en incitant les personnes à préparer leurs repas et à les partager avec quelqu'un, en les laissant boire un verre de vin si elles le souhaitent, en proposant des condiments… Il faut absolument éviter les restrictions alimentaires, comme cela est parfois fait avant la pose d'une prothèse de hanche… « Après 70 ans, la perte d'un gramme de graisse s'accompagne de la perte d'un gramme de muscle », rappelle le Dr Ferry. Parallèlement, l'activité physique à type de marche, permet de maintenir les fibres musculaires de type 1, peu consommatrices d'énergie, et des exercices simples participent au maintien de l'équilibre, condition sine qua non de la marche.

« Manger et bouger est le duo gagnant », conclut le Dr Monique Ferry.

Dr Isabelle Hoppenot

Source : Le Quotidien du médecin