VIH : les spécificités de l’inflammation artérielle expliqueraient le risque cardiovasculaire élevé

Publié le 25/07/2012
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Crédit photo : PHANIE

Chez les patients VIH dont la virémie est bien contrôlée et avec peu de facteurs de risques cardiovasculaires « classiques », l’inflammation de la paroi artérielle reste élevée, dépendante de l’activation des macrophages et des monocytes. Elle expliquerait les atteintes cardiovasculaires infracliniques précoces dans cette population et offre une hypothèse thérapeutique par les immunomodulateurs, en particulier par de faibles doses de méthotrexate.

Pour la première fois, grâce à l’imagerie fonctionnelle, une équipe du Massachusetts coordonnée par le Dr Sharath Subramanian décrit les caractéristiques de l’inflammation du mur artériel au cours de l’infection par le VIH. Utilisant la tomographie par émission de positrons et un radio-isotope spécifique (le fluoro-2-déoxy-D-glucose, FDG) chez les patients infectés par le VIH, les auteurs démontrent que les sujets VIH+ sans atteinte coronaire décelée ont une captation plus élevée du FDG (exprimée par le rapport radio-isotopique, TBR ) par rapport aux témoins appariés non VIH après ajustement sur les facteurs de risque cardiovasculaires « classiques » (tabagisme, dyslipidémie, IMC, insulino-résistance).

Le TBR est similaire à celui des sujet VIH - mais avec atteinte coronaire patente.

Autre avancée majeure de cette étude transversale publiée ce jour dans le « Jama »* : l’inflammation de la paroi artérielle est corrélée au taux de CD163 solubles, marqueurs de l’activation des macrophages et des monocytes.

Cette étude a inclus 81 participants séropositifs non coronariens qui ont subi une tomographie à émission de positrons avec le radio-isotope FDG pour évaluation de l’inflammation de la paroi de l’aorte et un scanner coronaire pour quantifier le score calcique coronaire. Le groupe VIH+ était comparé à deux autres groupes contrôle, séronégatifs, appariés pour les caractéristiques démographiques (âge, sexe, score de risque à l’échelle Framingham), l’un sans maladie athéroscléreuse, l’autre avec atteinte athéroscléreuse connue.

L’inflammation artérielle de l’aorte (TBR) était significativement plus élevée dans le groupe VIH+ versus le groupe VIH- apparié sur le score de risque Framingham (p ‹ 0,001) mais similaire au groupe VIH- (p = 0,29) avec atteinte vasculaire connue. De plus, le TBR aortique est corrélé au taux de CD163 solubles (p = 0,04) et pas aux taux de CRP et D-dimères, habituels témoins de l’athérosclérose.

Ces données concordent avec les études épidémiologiques qui montrent une augmentation du risque d’AVC et d’infarctus chez les sujets VIH+, y compris lorsque l’infection est récente et la charge virale bien contrôlée. Par ailleurs, le score calcique est apparu plus élevé dans les groupes contrôles ce qui montre bien que les plaques sont de natures différentes chez les VIH+ moins calcifiées, et moins en lien avec les facteurs de risque CV classiques.

L’inflammation corrélée au taux de CD163 solubles.

Ces résultats sont nouveaux, robustes et valides, a précisé James H. Stein dans un éditorial associé. Le fait que l’infection VIH soit associée à un état inflammatoire est guère surprenant ; l’athérosclérose et l’infection VIH créent toutes les deux un état inflammatoire ; d’autres essais ont d’ailleurs établi que l’infection VIH était associée avec une augmentation de l’épaisseur intima-média.

Dans cette étude, la principale avancée, explique l’éditorialiste, est l’association entre l’augmentation du TBR aortique et le taux de CD163 solubles, marqueur de l’activation des monocytes et des macrophages, dont on sait qu’il suit les variations d’ARN viral avant et après traitement, un bon témoin de l’activation immunologique.

Cela suggère que les macrophages et les monocytes jouent un rôle mécanique dans les atteintes cardiovasculaires liées au VIH et qu’ils pourraient constituer un marqueur intermédiaire de risque cardiovasculaire au cours de cette infection.

La piste des immunomodulateurs.

On peut regarder l’infection VIH dans le même prisme que la polyarthrite rhumatoïde au cours de laquelle existe une surmortalité d’origine cardiovasculaire liée à l’inflammation systémique et pour laquelle le méthotrexate à faible dose a été utilisé avec succès.

Des essais cliniques pourraient être réalisés de la même façon en testant de faibles doses de méthotrexate sur le risque cardiovasculaire au cours de l’infection VIH, afin de comprendre les interactions entre inflammation, réaction immunitaire, traitement antirétroviral et risque cardiovasculaire.

* JAMA 25 juillet 2012.

 DR ANNE TEYSSÉDOU-MAIRÉ

Source : lequotidiendumedecin.fr