Les patients âgés sont particulièrement concernés par l’insuffisance cardiaque aiguë (ICA), leur morbimortalité est et il n’existait pas de recommandations spécifiques les concernant, raison pour laquelle les urgentistes de la SFMU ont mené un travail commun avec les cardiologues du groupe d’intérêt en insuffisance cardiaque de la Société française de cardiologie et les gériatres de la Société française de gérontologie et de gériatrie. Chacune des 23 questions posées a été traitée par un trio d’experts.
En préhospitalier et aux urgences
Les outils de télémédecine sont recommandés, lorsqu’ils sont disponibles, pour limiter les transports dans une structure hospitalière. Aux urgences, les facteurs déclenchants doivent systématiquement être recherchés : infection, troubles du rythme cardiaque, anémie, infarctus du myocarde, insuffisance rénale, non-observance des traitements et, en cas de probabilité importante, embolie pulmonaire.
L’avis d’expert suggère qu’il faut réaliser systématiquement un ECG aux urgences et le renouveler pendant le séjour hospitalier ou lorsque le patient rentre à domicile, mais qu’il n’y a pas lieu de systématiquement monitorer aux urgences. Les peptides natriurétiques ne doivent pas non plus être dosés systématiquement. « La sensibilité et la spécificité de cet examen sont encore plus faibles chez le sujet âgé que jeune, et les seuils spécifiques de positivité ne sont pas connus dans cette tranche d’âge. Par ailleurs, certaines nouvelles thérapeutiques, telles que les inhibiteurs du récepteur de l’angiotensine-néprilysine [Arni] agissent sur le taux de BNP, ce qui rend leur dosage caduc », insiste le Pr Peschanski, responsable de la salle d’accueil des urgences vitales (Sauv) au CHU de Rennes. En outre, ce dosage ne permet pas d’améliorer le pronostic aux urgences ; en revanche, son utilité est reconnue pendant le séjour hospitalier, avant la sortie, pour avoir une référence d’évolution à long terme.
Le dosage de troponine est quant à lui recommandé aux urgences, avec la réserve qu’il soit corrélé à la clinique (douleur thoracique) et à l’analyse de l’ECG : celui-ci est à répéter au maximum une fois aux urgences.
Concernant les outils d’imagerie, il est recommandé, lorsque cela est possible sur le plan matériel et humain (opérateur formé), de réaliser une échographie thoracique pulmonaire et cardiaque pour diagnostiquer une ICA devant une dyspnée de la personne âgée. Un avis expert recommande la réalisation d’une échocardiographie transthoracique par un cardiologue pendant le séjour hospitalier. Lorsque le facteur de décompensation est lié à un syndrome coronarien aigu ST—, il y a lieu de réaliser une coronarographie, mais l’indication sera pondérée par le degré d’autonomie et de fragilité du patient. « Dans la population âgée, il faut avoir recours à des informations multiples pour poser le diagnostic : il y a notamment une place pour l’échographie au lit du patient, car sa sensibilité est bien supérieure à la radiographie », souligne le Pr Peschanski.
En phase thérapeutique
Une recommandation forte a été émise en faveur d’un traitement de furosémide en bolus en cas de congestion, dont la posologie est adaptée au traitement diurétique au long cours du patient âgé : 20 à 40 mg en IV s’il est naïf de diurétique ou, sinon, un bolus de la dose habituelle totale prise par ce patient. Lorsqu’elle dépasse 150 mg, l’avis du cardiologue qui le suit est souhaitable, pour savoir s’il faut associer une autre molécule. Les bolus IV sont à renouveler toutes les 6 heures ; ceux-ci n’étant pas inférieurs à l’administration par pousse-seringues électriques, ce sont bien les bolus qui sont recommandés.
L’administration de dérivés nitrés en bolus aux urgences permet une amélioration de la morbidité et de la mortalité précoce des patients âgés en ICA ; elle est recommandée tant que la pression artérielle systolique est supérieure à 110 mmHg. En revanche, il n’est probablement pas recommandé de recourir aux opiacés (morphine), en dehors des soins palliatifs.
Chez les patients âgés, la décompensation de l’insuffisance cardiaque se fait souvent avec une fraction d’éjection préservée et un versant hypertensif. « Chez ceux qui reçoivent un ß-bloquant au long cours, il ne faut probablement pas arrêter ce traitement. S’il a dû être arrêté en raison d’une tension trop basse ou d’une bradycardie, il doit être repris avant la sortie de l’hôpital. La même question a été posée pour les IEC et les ARA2 et la même réponse a été donnée », insiste le Pr Peschanski.
Chez le patient âgé hospitalisé pour ICA, il n’est probablement pas recommandé de mettre en place une sonde urinaire à demeure pour monitorer la diurèse.
En cas de détresse respiratoire, il est probablement recommandé d’initier la ventilation par oxygénation non invasive aux urgences, afin d’éviter la morbimortalité, au moins précoce.
Il faut probablement hospitaliser les personnes âgées en ICA dans une unité de cardiologie pour améliorer leur pronostic mais, à défaut, ou en cas de comorbidité ou de pathologie associée, il faut recourir à une prise en charge pluridisciplinaire incluant un cardiologue et un gériatre, puis orienter ces patients vers un réseau de soins.
Il est enfin recommandé de mettre en place des soins palliatifs chez le patient en ICA terminale.
Exergue : « Il faut avoir recours à des informations multiples »
Entretien avec le Pr Nicolas Peschanski (CHU de Rennes)
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