Jean-Carles Grelier (apparenté LR) : « Aucune vision pour la santé »

Par
Publié le 20/10/2020
Article réservé aux abonnés

Le député de la Sarthe fustige la « logique budgétaire mortifère » qui, selon lui, caractérise un budget de la Sécu « sans souffle ni vision ».

Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

LE QUOTIDIEN : Comment qualifiez-vous ce PLFSS ?

JEAN-CARLES GRELIER : Il n'y a aucune vision pour la santé ! On a quelques mesures exceptionnelles pour traduire la reconnaissance salariale des hospitaliers. Mais cela dissimule mal le fait que ce budget est comme les précédents. Il ne contient aucune réforme structurelle, aucun souffle.

Ce qui m'inquiète le plus, c'est qu'on alourdit massivement la dette de l'assurance-maladie, sans apporter aucune visibilité sur le financement de notre système de santé. Déjà, les recettes ne couvrent que 76 % des dépenses. Ce ratio est effrayant. On aggrave encore la situation et on met en péril tout l'édifice. J'aurais aimé que le ministre nous propose de construire le financement de notre système de santé pour les dix prochaines années. On en est loin. 

Reconnaissez-vous du moins la traduction du Ségur pour l'hôpital ?

Je retiens surtout l'absence de réforme de structure. La revalorisation de 183 euros [pour les non-médecins, NDLR], c'est un plus. Personne ne conteste cela. En revanche, en février, il manquait 7 500 infirmiers dans les hôpitaux, et en septembre il en manque 34 000 ! Où sont les recrutements ? La réalité, c'est la fuite des personnels de l'hôpital qui continue. On suspend les vacances, on n'améliore pas les conditions de travail, on multiplie les heures sup' jamais réglées, on ne simplifie pas… Il aurait fallu un volet attractivité puissant et une vision. Il n'y a rien sur la gouvernance, rien sur l'approche territoriale. Pourtant, la santé est à mes yeux le premier sujet politique ! Ce sera une des clés de la présidentielle. Hélas, on nous recycle la même chose que depuis 25 ans. 

Vous estimez que la médecine de ville est oubliée…

Je comprends la colère du monde libéral. Certains responsables syndicaux m'ont parlé d'une situation de guerre. Pourquoi les libéraux, et notamment les médecins, ne verront-ils aucune augmentation tarifaire significative avant 2023, et encore sous réserve que la convention médicale aboutisse ? On a des actes médicaux libéraux sous-cotés, parfois gelés depuis 15 ans. Je le dis : rémunérer 45 euros la consultation de médecine générale devrait être un objectif. Ce « deux poids, deux mesures » entre l'hôpital et la ville est insupportable. Regardez les personnels des cabinets des libéraux, comme les secrétaires médicales. Rien n'est prévu pour elles !

Baisses de prix de médicaments, transports, IJ, etc. : ce budget prévoit quatre milliards d'euros d'économie sur l'assurance-maladie. Est-ce le bon dosage ?

On reste dans la même logique budgétaire mortifère. Quand j'entends Emmanuel Macron revendiquer la souveraineté sur les médicaments, je dis qu'il a raison ! Mais un laboratoire qui a une molécule innovante a davantage intérêt à la vendre aux Allemands et aux Anglais. On a imposé un milliard d'euros d'économies par an aux industriels du médicament depuis dix ans, ce qui a tué une partie de notre souveraineté et de notre innovation thérapeutique en France. 

C'est pourquoi je défends deux mesures : il faut sortir la santé de la loi de financement de la Sécurité sociale, pendant une période de cinq ans, et la remettre dans le budget de l'État. Et lancer une grande loi de programmation en santé. On se donnerait cinq ans pour trouver de vraies recettes ! J'avais suggéré de taxer les transactions électroniques. Pourquoi ne pas rediscuter de la TVA sociale ? De toute façon, on ne pourra continuer comme cela, sinon des pans entiers de notre système de santé tomberont. 

Propos recueillis par Cyrille Dupuis

Source : Le Quotidien du médecin