Vous me demandez un témoignage sur mon rapport aux soignants, et en particulier aux médecins, dans les circonstances de l’épidémie de coronavirus. Je le fais bien volontiers.
J’ai été l’un des premiers contaminés du cluster de la buvette de l’Assemblée, et si le lieu peut prêter à sourire, certains de mes collègues et certains personnels ont été durement frappés par l’épidémie. Comme pour beaucoup, mon cas a commencé par le symptôme que nous connaissons, une grosse fièvre, suivi des explications du SAMU et de l’ARS et du transfert à l’hôpital, pour découvrir les longs cotons tiges brandis par des soignants en tenue de cosmonautes. Et puis l’attente des résultats. Rien de très particulier…
Sinon, cette douce sérénité que m’a apportée la certitude que, quoiqu’il se passe, les soignants étaient là. Pour répondre aux questions et au stress, pour accompagner dans les procédures et le suivi.
Nous sommes début mars, au moment où l’épidémie se médiatise. Honnêtement, mes symptômes n’étaient pas si lourds, et la gravité de la maladie quelque peu méconnue. J’ai eu peu de moments d’angoisses. Mais si je peux le dire aujourd’hui, c’est aussi parce qu’il y a eu cette présence médicale dans ma quatorzaine.
Et puis, j’ai décidé de rendre publique ma maladie. Il me paraissait important de témoigner, pour que chacun prenne conscience de ce qui se passait, de l’exigence que nous devions avoir de nous-même face à la maladie et à la menace qu’elle faisait planer.
Là, ce fut un contact plus médiatique avec le monde médical, via les émissions auxquelles je participais par écran interposé ; nous apprenions chaque jour un élément nouveau sur la maladie. J’ai alors définitivement pris le parti de dire que rien ne pouvait se faire sans une immense humilité face à la maladie, et une absolue confiance vis-à-vis des soignants.
La fierté que cette jeune interne soit ma fille…
Pendant mon confinement, j’ai pris l’attache de médecins, de pharmaciens, de personnels hospitaliers, de cadres administratifs des centres de soin de ma circonscription. J’ai pu entendre leur détermination, leur dévouement mais aussi leurs doutes et parfois leur douleur quand la maladie frappait trop près d’eux.
Mais j’avais aussi un témoin tout exceptionnel. Une toute jeune interne parisienne qui appelait le père que je suis, d’abord pour prendre des nouvelles, puis pour me raconter la montée de la vague, la crainte de voir celle-ci submerger le système, les lits qui se remplissaient.
Elle n’était pas dans un établissement où les personnes mourraient en nombre, les cas les plus graves étaient ailleurs. Elle accompagnait ses collègues, jour après jour, avec des tas de questions, mais certainement pas celle de son devoir.
La vague a commencé à baisser. J’ai senti progressivement moins de fatigue dans la voix qui me racontait cela. J’allais bien, elle n’avait plus à s’inquiéter. Le Parlement avait une activité de plus en plus dense pour gérer la crise, et j’y suis retourné avec une reconnaissance infinie pour toutes ces personnes que l’on appelle les soignants… et avec la fierté que cette jeune femme dont je vous parlais soit ma fille.
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« Rien ne pouvait se faire sans une absolue confiance vis-à-vis des soignants. »